Cette sentence c’est Magali, médecin généraliste, qui va la prononcer. Les résultats de ses différentes analyses et examens semblent sans appel: il a une tumeur qui lui laisse peu de temps devant lui. Magali est à un tournant de sa carrière. Elle n’arrive plus à supporter les gens qui se plaignent pour un rien dans son cabinet, elle n’arrive plus à supporter ces mauvaises nouvelles qu’elle doit donner dans un temps imparti, restreint. Elle ne supporte plus cette douleur, cette détresse. Elle n’arrive plus à la gérer. Face au cas de ce patient, ce Stéphane, elle est épuisée émotionnellement…

Stéphane va, à son habitude d’avoir raison de tout, aller voir un spécialiste. La solution ? Pas si sûre.

Il entrera aussi en contact avec un drôle de personnage, habillé de façon extravagante et qui a l’air de savoir tout sur tout. Sur sa maladie. Sur sa vie. Sur ses états d’âme. Face à la souffrance et à la peur de mourir, il acceptera son drôle de marché.  Un pacte avec le diable ?

Et il y a un troisième personnage fondateur dans ce roman. Loïck. Un ami d’enfance de Stéphane. Il travaille à mi-temps dans une maison de retraite comme aide-soignant. Il aime s’occuper de ses pensionnaires. Prendre le temps de soigner leurs plaies, leurs maux. Prendre le temps de panser leurs âmes. Prendre le temps de parler. Mais cela ne plaît pas à la gestionnaire qui n’y voit qu’une perte de profit… Sa vie personnelle, elle, est beaucoup plus épanouissante. Il vit auprès de sa femme et de ses trois filles dans une maison qu’ils ont retapé à leur goût. Ils y vivent une vie proche et au rythme de la nature, en adéquation avec leur valeur éthique et écologique. Une vie apaisante et apaisée, aux antipodes de ce qu’il vit dans ce travail.

Frappé par la maladie, Stéphane va repenser à cette amitié perdue et le recontacter.

Les années sont passées par là, mais Loïck ouvrira sa porte sans animosité à son ancien camarade. Une amitié qui va se ressouder, reprendre vie devant nos yeux.

J’ai aimé la relation entre ces deux hommes. Une amitié forte, solidaire. Stéphane va se réveiller à la « vraie vie ». Re-goûter aux joies de l’amitié, de la famille. L’importance que ces deux choses peuvent avoir dans la vie… bien plus importante qu’un métier. Les différentes discussions et confrontations vont le faire prendre conscience qu’il n’avait peut-être pas les bonnes priorités dans la vie. On va en découvrir plus sur lui, sur ses choix de vie, sur le caractère si détestable qu’il a… On va avoir peu à peu un autre regard sur lui. L’empathie va entrer en jeu.

Dans ce roman, Baptiste Luaces aborde des thèmes forts et fondateurs : la famille, l’amitié, l’amour, la solidarité… et des thèmes émouvants, la mort et la maladie. Comment réagir face à la maladie, à une mort inéluctable ? l’affronter, l’accompagner, la combattre, la nier… J’ai apprécié que l’auteur l’aborde de différents points de vue : celui du malade, évidemment, celui de l’ami, de l’accompagnateur, du soutien émotionnel mais aussi celui du médecin. Celui qui annonce la fin. Trois points de vue forts et provocant des émotions différentes chez le lecteur.

L’écriture de Baptiste Luaces est fluide et agréable à lire. On se retrouve plonger dans son histoire, dans ses moments de vie. On partage les douleurs, les émotions ressentis par ses personnages. Médecin, il a su se nourrir de son expérience pour donner vie à ses personnages mais aussi pour nourrir un discours engagé et militant pour ce qui touche le côté médical et soin de ce roman (le manque de temps envers les patients, certains médecins se complaisant dans un rôle de prescripteur oubliant leur rôle d’accompagnant, les demandes sans cesse renouvelées auprès des soignants de rentabiliser encore et toujours, notamment dans le monde des EHPAD…).

Un roman émouvant, une ode à la vie, à l’amitié et à la solidarité.

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