C’est beau de mentir
Autrice : Catherine Grive
185 p.
Editions Sarbacane, 2023 (Exprim’)
Lucile a un secret. Ou plutôt : mille. Mille petits secrets accumulés au fil des ans : non, elle n’est pas la fille d’un riche diplomate parti en croisière, non, elle n’habite pas au deuxième étage de ce luxueux immeuble haussmannien, non, ce n’est pas du Moët & Chandon dans la bouteille, et non, sa robe n’est pas de haute couture. Mais Lucile s’en fiche, car elle maîtrise l’art de l’esbrouffe, s’en délecte, s’en repaît : aujourd’hui elle a décidé de fêter ses quinze ans avec tous ses amis riches du lycée, qui boivent ses mensonges comme du petit lait, dans la mise en scène du siècle, l’apogée de son art du mensonge. Ce soir, elle sera la star. Ce soir, tout sera parfait.
Lucile est un personnage qui m’a profondément émue et touchée.
Une ado en pleine remise en question, en recherche de son identité profonde. Depuis toujours, elle embellit sa vie. Elle s’est construit un alias. Une vie rêvée. Une vie de rêve. Elle s’imagine que si elle n’est qu’elle même personne ne la remarquera. Personne ne l’aimera.
Depuis le divorce de ses parents, elle a emménagé avec sa mère (dépressive et alcoolique) dans un quartier huppé de Paris. Mais pas dans un bel appartement luxueux. Non. Dans une chambre de bonne, au dernier étage, avec toilettes communes… Elle a honte. Elle a peur de ne pas se faire d’amis dans son nouveau collège. Alors, elle a observé et adopté les us et coutumes. Elle s’est créée un personnage. Jeune ado orpheline de mère et un père toujours par monts et par vaux. Riche et mystérieuse. Elle soigne chaque détail. Y compris sur les réseaux sociaux. Elle laisse planer le doute sur son lieu de vie, sur son statut social.
Ce soir, elle a mis les petits plats dans les grands. C’est son anniversaire. Et ce n’est pas tous les jours qu’on a 15 ans. Alors, elle a investi l’appartement des voisins américains (riches et absents) : décoration, vêtements, presque tout est prêt! Il manque juste le champagne. Elle prend l’ascenseur… et tout tourne au vinaigre! Bloquée !
Et l’homme à l’autre bout de la sonnette d’alarme va lui tenir compagnie le temps du sauvetage. Elle est stressée car tout n’est pas prêt pour sa fête. Pour son grand jour. Lui essaie de la calmer en lui posant des questions. Alors, elle fait ce qu’elle sait faire de mieux : elle ment ! Encore! Mais quand on est stressée c’est difficile comme pratique. Et puis cet endroit clos et angoissant va provoquer en elle une véritable remise en question.
Pourquoi fait-elle ça ?
Des semaines sont passées au cours desquelles j’ai découvert que l’absence a une consistance.
J’ai dévoré ce roman en moins d’une heure. Lucile est attachante. Très attachante et même émouvante. Son histoire m’a remué. Sa quête d’amour. Le mensonge est la solution qu’elle a trouvé pour occulter les problèmes de sa famille. Une façon de les résoudre. D’être quelqu’un qui doit être heureux selon elle. Une façon d’être entourée, aimée. De ne plus plus être seule.
Il m’arrivait à moi aussi de rêver qu’une main m’arrête. Mes potes en premier. Le rêve de tout menteur serait-il d’être démasque ?
Mais le mensonge c’est difficile au quotidien. Un art, voire un sport pour se souvenir de tout.
Le mensonge, ce n’est pas une vie. Ce n’est pas la vie.
Cette heure coincée dans l’ascenseur va faire l’effet d’un électrochoc dans sa vie. La vérité a décidé de reprendre ses droits.
Lucile va-t-elle pouvoir être enfin elle-même ?
Ce roman questionne et bouscule sur la quête d’identité. Quand et comment être vraiment nous même. L’adolescence est l’âge de la construction de soi. Mais aussi l’âge où on cherche la reconnaissance, l’amour de l’autre.
Catherine Grive propose ici un roman fort, intelligent et plein de bon sens.
Tu as de l’imagination, Lucile, c’est une grande chance. On est plus sauvé par elle que par son intelligence, crois-moi.
Un roman fort, intelligent et plein de bon sens sur le thème du mensonge et de la quête d’identité.