Roman

La Ballerine de Kiev de Stéphanie Perez

couv37283433

La Ballerine de Kiev

Autrice : Stéphanie Perez
247 p.

Récamier, 2024

résumé Février 2022, comme toute l’Ukraine, aux premiers jours du conflit, les danseurs du ballet de l’Opéra national de Kiev sont happés par la guerre. Dmytro, danseur étoile, s’engage dans l’armée sans hésiter. Une fois la terreur dépassée, Svitlana, sa femme également étoile, devient secouriste. Eux qui menaient une existence centrée sur leur corps et leur art découvrent la solidarité, la résistance, mais aussi la peur et la mort. Les corps parfaits sont mutilés, les amitiés qui semblaient solides sont brisées par la trahison.
La guerre bouleverse les certitudes et pousse à faire des choix impossibles. Comment remonter sur scène ? Danser a-t-il encore du sens face à la barbarie ? L’art est-il un moyen de résister et de se reconstruire ? Une seule certitude : Svitlana ne dansera plus jamais comme avant…
cequejenaipenséIl y a presque deux ans, j’ai eu le privilège d’assister à une représentation de « La Belle au bois dormant » de Tchaïkovski, chorégraphiée par Marius Petipa et interprétée par le Grand Ballet de Kiev.
C’était une représentation mémorable, alliant beauté et puissance, synonyme de liberté et d’espoir. C’est donc naturellement que j’ai été attiré par la lecture de ce roman qui rend hommage aux danseurs de l’Opéra de Kiev, leur donnant voix au chapitre dans le conflit tragique survenu en février 2022. Stéphanie Perez, l’autrice, traite du conflit russo-ukrainien à travers l’art et la danse, avec une grande sensibilité et émotion.
Cet homme est toute ma vie. La danse est toute ma vie. Ils ne font qu’un. Je veux rester sur scène, en apesanteur. Là-haut, rien ne peut vous arriver, nous sommes indestructibles. C’est la dernière fois que nous dansons ensemble. Mais je ne le sais pas encore.
Nous sommes le 23 février.
Svitlana et Dmytro reviennent de leur dernière représentation à l’Opéra, sans savoir que c’était la dernière fois qu’ils dansaient ensemble. À l’extérieur, l’atmosphère est électrique, les rumeurs s’intensifient. Les premiers obus frapperont leur cible, Kiev, à 5h07.
Un réveil brutal.
Destructeur.
Violent.
Les amants se réfugient dans le sous-sol de leur immeuble avec leurs voisins, terrifiés. Lorsqu’ils émergeront, ils seront confrontés aux ravages, à la stupeur, aux premières pertes.
Sidération.
Action.
Dmytro choisit de s’engager tandis que Svitlana décide de rester et d’apporter son aide à sa manière. D’autres choisissent la fuite. Le couple est ainsi séparé, les nouvelles parvenant de façon sporadique.
Elles ont oublié le son de la paix.
On explore alternativement la vie au front et celle de l’arrière. La vie qui continue et s’adopte du mieux possible. L’aide aux victimes, le soutien aux blessés de guerre. Les relations entre les deux nations se complexifient, teintées de suspicion du côté russe, où la propagande alimente la défiance…
Svitlana est témoin de tout cela. Elle incarne la réalité du terrain. Par son regard, on passe de la sidération à la colère, du désespoir à la résistance. Et pour Svitlana, la résilience passe par la danse. Elle ne peut concevoir sa vie sans elle, un monde sans danse. Alors, avec ceux qui sont restés, elle remet en place des représentations. En faisant en fonction du nombres de danseurs, des ballets autorisés (avec l’interdiction de promouvoir des artistes russes), aux ressources encore accessibles.
Doit-on censurer les œuvres du pays ennemi au prétexte qu’il vous agresse? L’art n’est-il pas censé unir les peuples plutôt que de les diviser?
Quelle merveille ! L’histoire, les personnages et la narration de l’autrice m’ont captivée.
C’est magnifique, intense, touchant, bouleversant et puissant. Ce roman est empreint d’espoir, de vie, d’amour d’un peuple pour ses valeurs et son pays.
en bref  Un roman à lire absolument !

Un petit mot ?