Arthur est un bon élève, sérieux, appliqué, discret. Il rêve de devenir médecin. Ennuyeux à mourir, dirait sa grande soeur, So. So, elle défie le monde, elle n’a peur de rien. Alors quand elle revient un beau jour, après des années sans nouvelles, et demande à Arthur de l’aider, il ne peut pas refuser. Ils vont profiter de l’absence de leurs parents pour que So fasse une désintox à maison, “à la dure”. Pas de clinique, pas d’aide extérieure. Juste Arthur et du courage. Six jours vont s’écouler, pendant lesquels ces frère et soeur vont s’épauler, souffrir, se haïr parfois. Mais surtout se retrouver, après de longues années loin l’un de l’autre.
En 2017, je lisais ce court roman de Rachel Corenblit que j’ai relu hier soir. Les souvenirs n’étaient finalement pas si lointain… Je vous propose aujourd’hui une nouvelle version de ma chronique à l’occasion de cette relecture.
Huit ans après, la nouvelle de Rachel Corenblit, À la dure, résonne toujours par sa force brute. On y suit Arthur, adolescent consciencieux, presque trop, qui porte sur ses jeunes épaules le poids des espoirs parentaux, exacerbé par l’ombre de So, sa sœur aînée. So, l’absente, celle qui hante les silences familiaux avec ses appels et ses visites sporadiques, souvent motivés par un besoin impérieux d’argent pour nourrir son addiction. Mais cette fois, la tonalité de sa voix au téléphone pourrait bien fissurer le mur de colère qu’Arthur a érigé. Car au-delà du ressentiment, un amour fraternel tenace persiste.
« Petit mais costaud » : l’expression sied à merveille à ce récit concis qui percute le lecteur en plein cœur. Rachel Corenblit, en choisissant de faire entendre la voix d’Arthur, nous immerge au plus près des tiraillements d’un adolescent face à la détresse d’un être cher. L’amour fraternel, mis à l’épreuve par les ravages de l’addiction, se révèle dans toute sa complexité douloureuse.
Le récit s’amorce dans une atmosphère de mystère. La litanie des objets demandés par So – bassines, serviettes, médicaments – intrigue. Puis, la vérité éclate : l’absence des parents, l’arrivée imminente de So pour une tentative de sevrage, et la requête d’aide adressée à Arthur. Malgré les blessures infligées par sa sœur – vols, mensonges, les innombrables déceptions –, Arthur choisit d’y croire. C’est sa sœur, son unique sœur, et l’espoir de la retrouver intacte, de la voir enfin se reconstruire, l’anime. Cette fois, peut-être, ne sera-ce pas une promesse en l’air.
L’écriture à la première personne confère au texte une intensité émotionnelle palpable. Nous sommes les témoins privilégiés des espoirs fragiles et de la détermination naissante d’Arthur. On vibre à l’unisson de ses sentiments, partagés entre la méfiance et un désir ardent de croire en la rédemption.
La plume de Rachel Corenblit, d’une justesse et d’une puissance remarquables, ne cherche pas à édulcorer la réalité. Elle met des mots crus sur la souffrance, l’attente anxieuse, et les maux invisibles qui rongent les familles confrontées à l’addiction.
Un témoignage poignant, une exploration sensible des liens fraternels face à l’adversité.

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