L’Art de la joie
Autrice : Goliarda Sapienza
trad. de l’italien par Nathalie Castagné
lu par Valérie Muzzi
620 p. / 23h10
Editions Le Tripode, 2015
Audiolib, 2019

Extrait lu par Valérie Muzzi

L’Art de la joie est un roman posthume de l’autrice et actrice (1924-1996), paru pour la première fois à la fin des années 90. Le roman de sa vie, écrit sur une période d’une dizaine d’année mais qu’elle n’a jamais réussi à publier de son vivant. Trop long? Trop subversif ? Trop osé ?
L’héroïne, Modesta, est née le 1er janvier 1900. Elle est un enfant du nouveau centenaire, une enfant, qui a soif d’indépendance, de découverte et de liberté. On la suivra jusqu’à sa mort, avec ses bons et ses mauvais souvenirs, son histoire dans l’Histoire, ses réflexions, …
Modesta, ou Mody pour les intimes, est une jeune fille de la campagne, issue d’une famille pauvre. Elle va découvrir tôt les plaisirs sensuels avec un ami puis avec un homme qui profitera d’elle, qui la salira, la détruira. Suite à ce drame, elle vivre de longues années dans un couvent, et devra subir une éducation religieuse qu’elle subira. Cette entrée en matière dans la vie de Modesta donne le ton. Sa vie sera unique.
Parce qu’on apprend plus des ennemis – elle l’avait lu quelque part – et des mauvaises choses du passé que… Oui, il devait en être ainsi. Et je décidai qu’à partir de ce jour je me rappellerais toujours tout du passé – les belles choses et les mauvaises – pour qu’il reste présent à mon esprit et pour prévenir au moins les erreurs déjà commises.
Ce début difficile lui donnera une énergie qui la guidera au grès des différentes étapes qu’elle devra affronter dans sa vie. Modesta ne porte pas forcément bien son prénom car c’est une femme ambitieuse, qui sait manipuler les gens à sa guise, jouait un rôle au besoin. C’est une femme qui se nourrit de ses différentes expériences, qui s’adapte. Mais c’est une femme que j’ai eu du mal à apprécier. Elle peut être attachante, et j’ai aimé sa liberté de vivre dans cette période historique où la vie de femme n’était pas forcément facile. Mais je n’ai pas aimé son côté diabolique, sa façon de manipuler les gens qui l’entourent. C’est vraiment une facette de ce personnage très complexe qui m’a gênée.
Ce qui m’a plu c’est la fresque historique, de suivre cette femme et son entourage sur plus d’une moitié de siècle, de suivre leur vie au rythme des guerres et de l’histoire politique italienne et mondiale, de voir l’évolution des mœurs. J’ai aimé la richesse qui se dégage de cette histoire.
Pauvre, et je dois me rendre forte en lisant et en étudiant, en cherchant en moi et chez les autres la clef pour ne pas succomber. Il y en avait eu tant qui, nés pauvres, s’étaient sauvés par l’intelligence et la force que donne le savoir… Là, devant moi, en rang dans l’immense bibliothèque, ils montraient leurs noms brillant au dos brun et or de tous ces volumes.
J’ai (beaucoup) moins aimé les longueurs qui jalonnent le récit, les phrases souvent trop travaillées qui font manquer de naturel aux différents personnages. Je me suis alors dit que c’était peut-être la façon dont Valérie Muzzi narrée ce récit. J’ai alors ouvert le livre pour lire quelques pages sans cet intermédiaire vocal. Et je me suis rendue compte que c’était bien l’écriture qui donnait ce sentiment de langueur et de phrases trop grandiloquentes. Et au contraire, la voix de Valérie Muzzi insuffle au texte une dose de spontanéité et de fraîcheur.
Je ne veux pas la haïr, mais ce « menteuse » qui depuis des jours et des jours me poursuit, me contraint à repartir dans le passé, à exhumer de nouveau, douloureusement, toutes les phrases de mère Leonora, de Gaia, de ma ma mère, phrases que j’avais préféré ensevelir avec leurs corps morts. Mais on n’ensevelit personne tant qu’on n’a pas compris jusqu’au bout ce que ces personnes disaient. Et que disaient-elles ? La femme est l’ennemie de la femme comme l’homme, et autant que lui.
Je ressors de cette lecture dubitative, partagée si je me suis ennuyée par moment, je reconnais la qualité du texte et de la plume de l’autrice par bien des aspects. Je suis heureuse de découvrir ce texte mais je ne sais pas s’il me marque autant que j’ai pu le lire ici ou là.
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