L’Unique Goutte de sang
Auteur : Arnaud Rozan
264 p.
Plon, 2021

Un pan glaçant de l’histoire américaine, évoqué de façon magistrale.
L’Unique goutte de sang s’ouvre dans le Tennessee des années vingt : Sidney, un jeune Noir, est pris dans l’engrenage de la violence. Il se réveille amnésique dans un hôpital réservé à des enfants blancs handicapés. Qui est-il ? Que lui est-il arrivé ?
De Memphis à Harlem, en passant par l’Arkansas et Chicago, un lien invisible le relie au shérif adjoint Whyte, qui lui a évité la mort.
C’est à Chattanooga, la ville natale de Sidney, que l’histoire a dérapé lorsqu’il s’est trouvé pris au piège du désir de deux jeunes Blanches, à l’origine d’un déchaînement de violence implacable et dévastateur.
Ce jeune noir devait avoir seize ou dix-sept ans. Sa date de naissance était aussi imprécise que le début du siècle. Comment il s’appelait, quand et où il était né, personne ne le savait. Lui-même était le dernier à pouvoir le dire, sa mémoire s’étant effacée au fil des événements qui l’avaient conduit ici.

Nous sommes dans les années 1920. Au cœur du Tennessee. Et un drame d’une injustice crasse va se jouer sous nos yeux. Sydney, un jeune adolescent noir, a voulu aider d’une jeune fille blanche. Mais ces dernières vont avoir leur vérité. Une vérité qui va mener au lynchage de ses parents et de ses sœurs. Lui en réchappera de justesse mais bien amoché, meurtri. Il en réchappera grâce à un homme : le shérif Whyte, qui cache un secret, une unique goutte de sang qui fera toute la différence, une unique goutte de sang qui expose au danger, à la ségrégation…
« One-drop rule » : n’importe quel degré d’ascendance africaine était suffisant pour classer la personne comme un « nègre ».
Arnaud Rozan, dans son premier roman, nous décrit un pan de l’histoire américaine sombre : les lois discriminantes, le KKK, entre autres.
Le jeune va errer d’État en État, espérant une vie meilleure, avec le poids de ce qu’il a pu vivre. Mais il trouvera rarement de l’acceptation, plus souvent de la méfiance, et encore et toujours de la violence et de l’injustice, de fausses accusations. Parfois, il y a des lueurs d’espoir, d’un lendemain meilleur avec des mouvements politiques qui se mettent en place…
« Ella fut la première à mourir. Car le croque-mort était à l’autre bout de la corde et il savait donner le vif coup sec qui ne laissait aucun salut au pendu. Qui plus est, le faible poids de la fillette avait facilité la chose. Il la hissa au plus haut pour qu’elle soit vue du plus grand nombre. »
Et en parallèle, on découvre l’histoire des blancs ayant cette goutte de sang noir dans les veines. Leurs racines génétiques… et même si physiquement cela ne se voit pas, une recherche de l’arbre généalogique poussée a souvent lieu et peut mettre en danger leur vie. Une seule goutte et le regard passe de l’amitié à la haine, de la confiance à la peur… Cacher ses origines, comme pour le shérif Whyte, est alors une question de survie.
Ce premier roman est riche. Il prend aux tripes, perturbe. Les premières pages sont difficiles à lire, à vivre. Toute cette haine, cette peur du « nègre »… Les premières pages sont violentes mais essentielles pour se mettre à la place de ce que ces hommes, ces femmes et leurs enfants ont du subir à cette époque. On sent tout le travail de recherche et de documentation de l’auteur sans que cela pèse sur son récit. Il maîtrise les faits, l’époque, l’ambiance.

Un roman dur, choquant mais essentiel. Un premier roman épatant et puissant.