Roman "jeunes adultes"/Roman historique

Si je dois te trahir de Ruta Sepetys

couv52003993Si je dois te trahir

Titre original : I Must Betray You
Autrice : Ruta Sepetys
trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Faustina Fiore
384 p.

Gallimard, 2023

résumé Bucarest, octobre 1989, sous le régime de Ceausescu. Cristian Florescu est lycéen et rêve de poésie et de cinéma américain. Un jour, il est dénoncé et convoqué par la Securitate qui le somme de choisir entre devenir informateur pour la police secrète du régime ou perdre sa famille et Bunu, le grand-père qu’il adore.
 

cequejenaipensé Quel roman ! Ruta Sepetys a l’art et la manière de mettre en avant des pans méconnus de l’Histoire. Ou plutôt que méconnus, des périodes où on entre volontairement peu dans les détails quand on nous en parle à l’école par exemple. Il y a eu les camps de travail soviétiques en Sibérie avec le remarquable Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, ou encore la dictature espagnole avec Hotel Castellana. Avec Si je dois te trahir, elle s’attarde sur les derniers moments de la dictature roumaine, sous le régime des Ceaucescu.

Cristian, murmura enfin Liliana d’une voix vulnérable, les gens dans le monde savent-ils ce qui se passe en Roumanie ? Et s’ils le savaient… feraient-ils quelque chose ?

Bien sûr que j’avais entendu parler de ce régime sévère subit par les roumains pendant des décennies mais j’étais loin d’imaginer la réalité de leur vie alors. Une vie de privation, de faim, de peur, d’autorité, de surveillance, de règles… et de droits de l’homme bafoués.

On va découvrir cette histoire par la voix du jeune Cristian Florescu. Il a 17 ans et est lycéen. Il aime la poésie et le cinéma américain. Mais il doit tout vivre en secret. Car il est surveillé. Tout le monde est surveillé. Les espions sont partout. Il a grandit en se pliant aux multiples règles imposées par Ceaucescu et le régime communiste. Il a grandi en apprenant à se méfier de tout le monde. Il a grandi en ayant peur de se faire arrêter au moindre écart. Il a grandi en chuchotant car des rumeurs disent que les micros sont partout, jusque dans les maisons. Il a grandi en ayant faim. Il a grandi avec désespoir.

Il savait ce que j’avais fait.
Qu’avais je fait ?
À vrai dire, là plupart des roumains transgressaient les règles à un moment ou à un autre. Il y avait tant de règles. Et tant de gens prêts à vous dénoncer.

Et ce qui devait arriver arriva. Il se fait arrêter par la Securitate, la milice de surveillance. On sait qu’il est en possession d’objets interdits (un timbre et un dollar). Il n’a pas d’autres choix, pour protéger sa famille, que d’accepter de devenir ce qu’il hait plus que tout : un espion. Il va devoir mentir, trahir sa famille, ses amis. On lui demande de se rapprocher du fils du diplomate américain pour lequel sa mère travaille, et d’observer ce qu’il voit entre ces murs.

Mais le piège va se refermer sur lui.

D’autant qu’en cette fin d’année 1989, la grogne monte dans les pays communistes. La révolution éclate en Hongrie, à Berlin avec la chute du mur. Ces informations arrivent à fuiter jusqu’en Roumanie. Alors Cristian se demande si en Roumanie aussi les gens vont finir par se réveiller, par se révolter. Il guette les signes. Il espère. Il veut avoir droit à ce qu’il a pu approcher chez cet américain.

Se moquer du régime pouvait vous conduire droit au quartier général de la Securitate. Néanmoins, les gens continuaient à plaisanter. Dans un pays où la liberté d’expression n’existait pas, chaque blague faisait l’effet d’une petite révolte.

Ruta Sepetys nous entraîne à la suite de son personnage. On se révolte aux côtés du personnage. On se demande comment un peuple peut être asservi de cette façon, quand est-ce que le point de rupture sera atteint. On comprend le poids de la peur, de la méfiance et de la suspicion en continu. Et certains comportements, certaines réactions ont fait écho avec mon passé. En effet, à l’école, il y avait un élève roumain. Et désormais je suis peut-être plus à même de comprendre ses réactions, son retrait par rapport à nos jeux innocents…

Si le communisme est un paradis, pourquoi faut-il des barrières, des murs, et des lois pour empêcher les gens de partir ?

en bref

Ce roman est terriblement réaliste. Cette histoire révolte, elle choque, elle émeut, elle fait pleurer, elle fait trembler, elle passionne et interpelle. Un récit porteur d’espoir, de rage et de courage !

Un petit mot ?