Prix Audiolib/Roman

Les Yeux de Mona de Thomas Schlesser

mona

Les Yeux de Mona

Auteur : Thomas Schlesser
Lu par François Cognard

16h40
Audiolib, 2024
Ed. Albin Michel, 2024

EN SÉLECTION POUR LE PRIX AUDIOLIB 2024

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résumé Cinquante-deux semaines : c’est le temps qu’il reste à Mona pour découvrir toute la beauté du monde.
C’est le temps que s’est donné son grand-père, un homme érudit et fantasque, pour l’initier, chaque mercredi après l’école, à une œuvre d’art, avant qu’elle ne perde, peut-être pour toujours, l’usage de ses yeux.
Ensemble, ils vont sillonner le Louvre, Orsay et Beaubourg.
Ensemble, ils vont s’émerveiller, s’émouvoir, s’interroger, happés par le spectacle d’un tableau ou d’une sculpture. Empruntant les regards de Botticelli, Vermeer, Goya, Courbet, Claudel, Kahlo ou Basquiat, Mona découvre le pouvoir de l’art et apprend le don, le doute, la mélancolie ou la révolte, un précieux trésor que son grand-père souhaite inscrire en elle à jamais.

 

cequejenaipensé L’écoute de ce roman m’intimidait autant qu’il m’attirait. J’apprécie l’art mais je suis loin d’être une experte et une passionnée. Ce roman a déjà fait beaucoup parlé de lui… et a raison. Il est exceptionnel. L’auteur, Thomas Schlesser, est historien de l’art et il devient entre ses pages un passeur de sa passion. De façon érudite mais abordable pour le commun des mortels. Même sans rien y connaître on y trouvera de l’intérêt et de la curiosité.

Ce livre est ce que j’aimerai appeler un « roman documentaire » : on a une fiction, des émotions, une histoire et tout ça est mêlé à des informations justes et vérifiées sur l’art.

Mona… Mona Lisa ? Non. Mona est le personnage principal de ce roman. C’est une fillette qui a 10 ans. Un jour, elle va perdre l’usage de ses yeux pendant quelques heures. Panique. Incompréhension. Elle passera plusieurs examens médicaux sans obtenir de réponse. L’angoisse d’une récidive plane. La peur d’une cécité définitive aussi. On conseille aux parents de l’envoyer suivre une psychothérapie pour l’accompagner dans cette épreuve. Mais son grand-père, avec qui la fillette est très complice, en décide autrement. En secret, au lieu d’aller chez un thérapeute, il l’emmènerai voir ce qu’il pense être la définition de la beauté du monde. Chaque mercredi, ils iront au musée, d’abord au Louvre, puis à Orsay pour finir à Beaubourg. Et chaque mercredi, ils iront voir une seule œuvre et unique œuvre d’art. Pour l’observer, l’analyser, la raconter, la comprendre et en tirer une leçon. Voilà leur programme pour les 52 prochaines semaines. 52 œuvres qui s’offrent à leurs yeux et indirectement aux nôtres. Car si cette découverte, cette passation de savoir se passent entre un grand-père et sa petite-fille, il y a une autre personne qui boit leurs échanges : le lecteur.

Chaque chapitre est construit à peu près sur le même modèle. Leur arrivée au musée, des échanges anodins entre une petite fille pleine de vie et un grand-père patient et aimant. Et puis, ils arrivent devant l’œuvre. Et ils l’observent en silence pendant plusieurs dizaines de minutes. Le lecteur a alors droit à une description très détaillée de l’œuvre. Les couleurs, les formes, les personnages, les dimensions, les techniques. Puis la petite fille explique ce qu’elle voit elle. Et même si elle a eu un passage de cécité inexpliqué, Mona a aussi une vision très pointue dans ces circonstances. Elle semble voir des choses sur ces œuvres que seuls les spécialistes les plus aguerris ont conscience. Et plus les semaines passent, plus Mona se montre vive d’esprit et fait preuve d’un esprit analytique très étonnant mais très juste également même s’il est teintée par la fraîcheur de sa jeunesse.

Entre chaque visite dans les différents musées, on nous partage aussi la vie de Mona et de sa famille. L’auteur aborde alors la difficulté émotionnelle d’une famille à faire face à la maladie d’un enfant. La peur, les doutes, les incertitudes. Chacun a sa façon d’y réagir. Au milieu des adultes, on a cette jeune fille, intelligente, qui cherche à comprendre, à analyser ce qu’on lui cache tout comme elle cherche à déceler les secrets des œuvres d’art. Et il lui paraît évident qu’un lourd secret pèse sur sa famille, et que ce secret tourne autour de sa grand-mère et de sa mort. Qui était-elle? Pourquoi n’a-t-elle pas le droit de parler d’elle?

La construction de ce roman, la façon dont on partage un savoir autour de l’Histoire de l’art occidental m’a inévitablement fait penser à un autre roman qui m’a accompagné il y a quelques années : Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder, où une jeune fille va échanger par lettre avec un professeur mystérieux autour de la philosophie.

On pourrait penser qu’il est étrange d’écouter un roman où on nous parle d’art, où on va nous parler d’œuvres d’art, où on demande à une petite fille de regarder ces œuvres que nous, audiolecteurs, n’allons pas voir. Et bien détrompez-vous ! Les descriptions sont si bien faites et précises que le tableau prend vie sous nos yeux. L’image se crée et même si par curiosité je suis allée voir chaque œuvre (en général à la fin des chapitres), mon image mental n’était pas si éloigné que ça de la réalité. Il faut savoir que l’auteur a volontairement choisi majoritairement des œuvres moins connues du grand public. Et il avait envie, comme il l’explique dans l’interview-bonus disponible dans la version Audiolib, d’un texte où les malvoyants y trouveraient aussi leur compte. D’ailleurs, adepte de livres audio, il espérait une version audio de son roman et même une adaptation en braille et ces deux souhaits se sont réalisés !

D’ailleurs, cette version audio est portée par la voix de François Cognard. Une voix grave parfaite pour camper le grand-père patient et un poil bourru de ce roman mais qu’il a su moduler pour s’adapter à la personnalité de la fillette sans trop tomber dans la caricature.

Une fois l’écoute terminée, je me dis que je le réécouterai sans doute un jour à cause de l’ampleur du projet, pour encore plus savourer ce que l’auteur a voulu nous partager mais aussi pour réécouter la voix de Mona maintenant que je connais sa particularité… linguistique.

en bref Un roman documentaire riche, passionné et passionnant. A écouter, à découvrir, chapitre après chapitre pour en apprécier toute la saveur.

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