Roman historique

La Fille de Joyce d’Annabel Abbs

couv6282257La Fille de Joyce

Titre original : The Joyce Girl
Autrice : Annabel Abbs
trad. de l’anglais par Anne-Carole Grillot
461 p.
Pocket, 2022

Lucia Joyce, la fille unique de James Joyce, est une énigme. En 1929, elle était l’étoile montante de la danse contemporaine à Paris. En 1934, à l’âge de vingt-six ans, elle est totalement brisée et disparaît de la vie publique, passant le reste de sa vie enfermée dans des asiles psychiatriques. La plupart de sa correspondance et de ses dossiers médicaux ont été détruits. Qui est-elle et que lui est-il arrivé ? La Fille de Joyce donne enfin une voix à Lucia.
 
cequejenaipensé Vous connaissez sans doute James Joyce, auteur – entre autres – d’Ulysse. Ici, l’autrice, Annabel Abbs, nous raconte l’histoire de sa fille Lucia. Qui fût une grande danseuse contemporaine, la muse littéraire de son père mais qui finit sa vie, brisée, enfermée dans un hôpital psychiatrique.
Qui était cette jeune femme pleine de vie, promise à un bel avenir ? Comment et pourquoi a-t-elle fini sa vie ainsi ?
La majorité de sa correspondance et de ses dossiers médicaux ont été détruit mais les divers biographes qui se sont penchées sur sa vie ont pu recoller les morceaux, assembler les pièce d’une vie chaotique. Annabel Abbs touchée par cette femme et son destin hors du commun en a fait un roman, s’appuyant sur ses recherches et ses lectures.
Nous sommes dans l’entre-deux-guerres. James Joyce et sa famille vit de sa plume et de généreuses donations. La famille doit vivre au rythme de cet homme fantasque, passionné. Ulysse a eu un énorme succès, et fait d’ailleurs aujourd’hui parti des œuvres majeures de la littérature anglophone. A cette époque, il tombe malade. Il perd la vue et souffre énormément. Il boit et s’enferme souvent dans la pénombre. Il a un cercle de confiance autour de lui qui l’aide dans sa créativité. La famille Joyce voyage beaucoup et à la fin des années 1920, ils se sont installés à Paris. Lucia et son frère Giorgio sont adultes. L’une rêve d’être danseuse, l’autre chanteur.
Lucia s’entraîne dur. Elle est douée, perfectionniste et ambitieuse, et suivra les cours des meilleurs danseurs d’alors. Lucia est éprise de liberté. Elle rêve de voler de ses propres ailes, d’ouvrir sa propre école de danse, d’avoir son appartement même sans être mariée. Et pourtant, elle vivra des histoires d’amour passionnée avec de grands artistes, Samuel Beckett notamment.
J’ouvris la bouche pour parler, mais les mots me manquèrent, tout comme lorsque Babbo et moi, cramponnés à la rampe, regardions la ville rétrécie depuis le sommet de la tour Eiffel. La même sensation de vertige m’envahit, me laissant muette et tremblante. J’eus brusquement envie de toucher Mr Beckett, de me tenir à lui comme je me tenais à Babbo ce jour-là, de m’agripper à son bras comme je m’étais agrippée à celui de mon père au sommet de la tour.
Mais à chaque fois, ses parents bousculent ses rêves. Presque fiancée, première expérience d’enseignement de danse,… il faut partir pour des histoires administratives, ou pour des soins pour son père. Comme elle est une femme encore célibataire, elle ne peut vivre seule et elle doit donc les suivre.
Petit à petit, cette vie frustrée, empêchée va faire naître en elle une lassitude, une forme de mélancolie… qui se transforme avec le temps en rage, en colère… jusqu’à réveiller le monstre qui est en elle.
Quand nous ouvrons le roman, Lucia est en cours de psychanalyse avec Jung. Une énième. Elle sait quand dire et quoi dire. Elle a compris le fonctionnement de ce type de médecin. Mais peut-être qu’avec lui elle peut enfin dire ce qui la ronge depuis si longtemps. Alors on remonte le temps et elle se raconte, raconte cette vie empêchée, cette folie qui couve en elle.
Et pourtant, j’adorais cette sensation, la tension et le contrôle, l’impression que chaque muscle prenait sa forme idéale, la façon dont mon cerveau en ébullition se cristallisait dans l’effort.
Quand j’ai ouvert ce roman, j’ai eu un peu peur de ne pas tout comprendre. Je n’ai jamais lu James Joyce (ou des extraits à l’école). J’avais peur d’être un peu perdue dans les repères culturelles de l’époque. Mais cela n’a pas du tout été le cas. La plume d’Annabel Abbs est très agréable à lire. On sent son envie de faire découvrir cette femme, son parcours de vie, un destin tragique et en un sens une vie de femme sacrifiée. En lisant son histoire, j’ai eu mal au cœur pour elle, pour sa liberté bridée notamment. Lucia a peut-être fini psychotique mais sa vie en a été sans nulle doute une des causes majeures de sa folie.
En fermant ce livre, j’ai eu envie de mettre une image sur le visage de cette femme. J’ai eu envie de la voir danser. Mais par contre, je n’ai plus envie de lire du James Joyce…
Annabel Abbs rend le personnage fascinant tout en gardant la part de mystère qui entoure sa vie et son parcours.
Le docteur Jung se penche jusqu’à ce que son visage soit à la hauteur du mien. Et je me demande s’il voit au fond de mon âme vide, dévastée, s’il voit la dépossession et la trahison dont j’ai été l’objet. 

 

Un roman biographique autour d’un parcours de vie chaotique : Lucia Joyce, la fille de James Joyce. Danseuse contemporaine pleine de promesses mais qui a fini sa vie brisée, seule, dans un hôpital psychiatrique.
 
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