L’Ickabog
Autrice : J.K. Rowling
traductrice : Clémentine Beauvais
Gallimard, 2020
Existe en version audio : lu par Aïssa Maïga (Ecoutez lire, Gallimard, 2020 – durée : 8h)


C’est dans cet état d’esprit que j’ai commencé ce roman (que j’ai lu mais aussi écouté).
A savoir : ce conte a été publié gratuitement pendant le confinement de mars 2020, mais qu’elle a imaginé pendant l’écriture d’Harry Potter.
Les mensonges s’ajoutaient aux mensonges qui s’ajoutaient aux mensonges. Quand on commençait à mentir, il fallait continuer, et puis c’était comme être le capitaine d’un bateau qui prend l’eau, toujours à combler des trous dans la coque pour éviter le naufrage.
Nous sommes dans un univers un peu médiéval, dans un petit royaume appelé Cornucopia. La vie y était pour la plupart assez agréable à vivre. Et pourtant, l’équilibre du royaume chavire un jour. Un homme est tué. Le Roi, Fred-sans-effroi, et surtout ses deux conseillers qui ont soif de pouvoir et de richesse, décide d’attribuer cette mort à une créature légendaire, à un monstre, une sorte de croquemitaine habitant dans les marais : l’Ickabog. Un monstre gigantesque, assoiffé de sang, dangereux. Les deux conseillers, pour camoufler leur erreur, vont imaginer toute une histoire à servir au peuple, mais aussi au roi qui préfère les croire plutôt que d’affronter la réalité. Leurs mensonges, toujours plus gros et plus invraisemblables, vont pourtant mener le peuple à la ruine, à la pauvreté et à la famine. Ils vont mettre en place une armée de défense contre l’Ickabog. Pendant des années, chacun devra payer pour maintenir cette brigade. Le roi est surprotégé. On le coupe des rumeurs, de la colère du peuple. Mais il n’en reste pas moins détestable par son caractère vaniteux et égoïste. Il profite bien de la situation.
Il était une fois un tout petit pays, qui avait pour nom la Cornucopia, sur lequel régnait depuis des siècles une longue lignée de rois aux cheveux blonds. Le roi de l’époque dont je parle ici s’appelait Fred Sans Effroi. Il s’était lui-même proclamé Sans Effroi, au matin de son couronnement, en partie parce que ça sonnait bien avec Fred, mais également parce qu’il avait un jour réussi à attraper et à tuer une guêpe tout seul, si l’on exceptait cinq laquais et le cireur de chaussures.
En parallèle aux manigances de ces deux-là, qui font souvent rire tellement ils vont loin dans leur créativité, mais pleurer aussi car ils briment tout un peuple, nous suivons le parcours d’une fillette Daisy. Celle-ci a eu le malheur d’être au mauvais endroit au mauvais moment, et les deux acolytes l’ont envoyé dans un orphelinat alors que son père est jeté en prison et qu’ils se serviront de lui pour entretenir la peur de L’Ickabog. Daisy se retrouve dans un orphelinat où elle sera rebaptisée Jane, comme toutes les orphelines de ce lieu lugubre. Brimades et soupe au chou, seront ses lots quotidiens pendant de longues années. Mais elle n’oubliera pas qui elle est, ni d’où elle vient. Elle sait trop de chose sur le roi et les mensonges de la cour. Et un jour, elle sera utile au royaume et retrouvera son père.
Nous ferons aussi la connaissance de Bert, le fils de l’homme tué. Ce dernier a grandi dans l’idée que son père avait été victime de l’Ickabog. Il grandit et espère un jour entré dans la brigade de lutte contre ce monstre et pouvoir ainsi venger son père… mais…
Nous ferons aussi la connaissance de Bert, le fils de l’homme tué. Ce dernier a grandi dans l’idée que son père avait été victime de l’Ickabog. Il grandit et espère un jour entré dans la brigade de lutte contre ce monstre et pouvoir ainsi venger son père… mais…
Sans être aussi futé que Crachinay, Flapoon était tout de même beaucoup plus malin que le roi.
L’univers de Cornucopia est riche, fantasque. Je l’ai imaginé coloré, bruyant de vie. L’exubérance du roi et de ses conseillers est risible tellement ils sont ridicules dans leur mensonge. Mais malheureusement, ils sont aussi le reflet d’une réalité : plus une histoire semble grotesque plus les gens ont l’air d’y croire. J’ai aimé l’ambiance, les personnages haut en couloir, me demandant mensonges après mensonges, année après année, comment Daisy et Bert (il est évident que le dénouement allait dépendre d’eux) allait s’en sortir et libérer le peuple du joug des deux conseillers.
Les noms des personnages sont savoureux. Le ton du récit est – malgré/grâce à l’intrigue – bizarrement assez drôle et léger, sans doute du à la façon « conte » de nous la raconter.
Par ailleurs, j’ai eu la possibilité d’écouter une bonne partie du roman. C’est Aïssa Maïga (que j’avais adoré écouter dans Underground Railroad de Colson Whitehead) qui prête la voix à cette univers. Elle a su donner corps à chacun des protagonistes, renforçant parfois la bêtise de certains, la vantardise d’autres, la combativité de certains.
340 pages d’un côté, 8 heures d’écoute de l’autre : mais on ne voit pas passer le temps tant l’univers a des choses à nous dire.
Une lecture vraiment très sympa !
… Tu ferais bien de surveiller ta langue, parce que nier l’existence de l’Ickabog, c’est de la haute trahison.
_ Haute trahison ! Ricana Mr Doisel. Sérieusement, Bertha, tu ne vas pas me dire que tu crois à cette absurdité de trahison ? Mais enfin, il y a quelques mois à peine, penser que l’Ickabog n’existait pas, c’était être quelqu’un de sensé, pas un traître !
A noter : les droits d’auteur de ce roman sont reversés à des associations venant en aide aux victimes du Covid-19.
En fin d’ouvrage, nous pouvons retrouver des dizaines de dessins réalisés par les enfants lors d’un concours d’illustration : aux feutres, aux crayons, ou avec d’autres techniques, ils mettent en image leur Cornucopia et les personnages qui peuple ce monde fantaisiste.