Titre : Terre et cendres
titre original : Khâkestar-o-khâk
Auteur : Atid Rahimi
trad. du persan (Afghanistan) par Sabrina Nouri
92 p.
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Les premiers mots
– J’ai faim.
Tu sors une pomme du baluchon rouge gol-e-seb, et tu la frottes contre ton vêtement poussiéreux. La pomme n’en est que plus sale. Tu la remets dans le baluchon, en sors une autre, plus propre. Tu la tends à ton petit-fils, yassin, qui est assis près de toi, la tête contre ton bras fatigué.
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Ce que j’en ai pensé
Je découvre ici la plume d’Atiq Rahimi, auteur de Syngue Sabour (Prix Goncourt 2008).
Il nous livre ici un témoignage à la fois brute et poétique de la réalité du quotidien des Afghans dans les années 80. Silences, émotions, pour parler des victimes de cette guerre contre l’Union soviétique. Le narrateur, un vieil homme Dastaguir, nous raconte à travers un « tu » énigmatique la difficile mission qui l’attend. Son village a été bombardé. De sa famille, il ne reste plus que lui et son petit-fils Yassin, devenu sourd. Il est en route pour annoncer la triste nouvelle à son fils qui travaille dans une mine. Le périple est long, difficile, émouvant. Au fur et à mesure des rencontres, il parle des circonstances, pleure sur l’avenir, le sien et celui de son pays.
Ce « tu » employé par le narrateur s’adresse à plusieurs personnes à la fois : au lecteur, tout d’abord, pour qu’il se mette à la place du vieil homme, qu’il ressente ses malheurs, son devoir; puis au personnage lui-même, comme s’il s’expliquait ce qu’il a à faire, pour se motiver, pour avancer, pour mettre des mots sur les faits. Une construction narrative que l’on retrouve rarement mais qui est très efficace pour projeter le lecteur dans les émotions du texte.
Terre et cendres est un récit où la femme est peu présente. Dans ce pays ravagé, les hommes âgés et les femmes sont ceux qui ont pris le relais pour faire vivre les villages et éduquer les enfants pendant que les hommes plus jeunes sont partis sur le front ou se sont éloignés pour trouver du travail. Dastaguir se retrouve seul à gérer son petit-fils désormais handicapé. Il ne le comprends plus, ne sait pas comment faire mais il reste attentif à ses besoins, et est très attentionné et tendre avec lui. Ce trajet, l’attente d’un véhicule auprès du poste du gardien provoque chez le vieil homme une prise de conscience, met en avant sa souffrance, sa solitude, ses peurs, son impuissance face à des événements qui le dépassent…
Ce court roman m’a remué, m’a énormément émue. Je me suis sentie aussi démunie que le personnage principal. Comment l’aider, comment aider ce pays en dérive… Atiq Rahimi propose dans ce petit texte à la fois un témoignage fictionnel d’une dure réalité, un portrait de son pays d’origine.
(voir « mon tour du monde littéraire » dans l’onglet Challenge du menu)
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