Loin de la violence des hommes
Titre original : Bull head
Auteur : John Vigna
trad. de l’anglais (Canada) par Marguerite Capelle
245 p.
Albin Michel, 2017 (Terres d’Amérique)

Saisis dans leur rôle de mari, d’amant, de père ou de frère, ses personnages poursuivent sans relâche leur quête d’un bonheur incertain. Doué d’une empathie sans failles pour ces héros du quotidien, John Vigna instille de la beauté et du mystère dans des existences qui pourraient sembler banales ou ordinaires, et il s’impose comme une vraie découverte littéraire.
C’est un vendredi « Spécial Chair fraîche », et le bar est rempli d’hommes venus de toute la vallée pour voir les nouvelles stripteaseuses. Quand Lonnie se tasse dans un fauteuil à côté de Ricky, les types installés derrière lui marmonnent qu’ils ont payé leur place une fortune, alors maintenant assieds-toi bordel de merde.

Loin de la violence des hommes est donc un recueil de huit nouvelles qui plonge le lecteur dans un univers qui sent fort la testostérone !
Huit nouvelles, huit portraits d’hommes, en crise, en prise de conscience d’eux-même, ou tout autrement dit à un tournant de leur vie.
La particularité des nouvelles est d’aller droit au but : pas de fioriture, ne détournement d’attention. John Vigna se sert parfaitement de ce genre littéraire pour faire ressortir la psychologie de ses personnages en peu de mots mais de façon très fortes. Une même idée ressort pour chacune : mettre des mots sur la réalité et le quotidien de ces hommes. Dépit, mélancolie, découragement, deuil, maladie, solitude, brutalité, indécision, manque d’amour… voilà à qui vont devoir faire face les protagonistes de ces courts récits.
Ce que j’aime dans les nouvelles, c’est que nous sommes directement amenés dans le vif du sujet. Nous avons peu de temps pour appréhender tous les éléments mais la magie de la forme et le talent de l’auteur font qu’on est rapidement dans l’ambiance. On esquisse la personnalité du personnages, on perçoit les émotions, on capte les intentions. En peu de mots et de pages, on est attrapé par le récit. C’est ce que j’aime dans les nouvelles et c’est ce que j’ai grandement apprécié ici. John Vigna a une plume à la fois tendre, intelligente et incise vis à vis de ses personnages.
Chaque nouvelle offre son lot d’émotions et de personnalités. Certaines captivent peut-être un peu moins que d’autres mais peut-être aussi parce que le thème abordé m’a moins inspiré (je pense notamment à Station Service). D’autres par contre m’ont émue (Pitbulls, Zone de coupe). Mais chacune dégage une dose d’émotions fortes, un parfum de solitude, de fragilité de l’âme humaine. On ressort de cette lecture un peu hagard, sonné par la force des mots, des descriptions et de ces récits extraordinaires sur des hommes ordinaires.
