Jozef est du genre petite frappe : vol à la tire, deal de drogue. Jozef est prêt à tout pour prendre sa vie « en mains » et sortir de la misère sociale dans laquelle vivent ses parents, d’honnêtes travailleurs. Pour ça, il n’hésite pas à prendre des risques, comme dealer sur le territoire du caïd du coin. Mais pour le moment, il a des préoccupations plus urgentes. Assis à même le sol, menotté à un radiateur parce qu’il n’y a plus de cellules vides, il attend de passer devant le commissaire pour vol à main armée dans une supérette.
Il ne s’inquiète pas. Il sait comment s’en sortir. Il doit s’en sortir. Parce que dans quelques heures, il a rendez-vous avec la plus belle fille du quartier. Et il a bien l’intention de passer l’après-midi dans ses bras. Le problème, c’est que son complice vient de le balancer. Et ça, c’était pas prévu. Pour Jozef, c’est le centre éducatif fermé à coup sûr, et illico. Il faut qu’il s’échappe, il faut qu’il se fasse la malle.
Il faut qu’il voie Amel.

Tout ça, c’est du passé. Du plus-que-parfait même. Je ne traîne plus au collège depuis des mois, mais mes conjugaisons, je m’en souviens. Il n’y a pas que des débiles qui sont virés de là. Il y a aussi ceux qui sont trop malins pour moisir sur les bancs de l’école. Pour foncer dans la vie, je n’ai pas besoin d’équations à deux inconnues ni de dissertations. Mes jambes suffisent.
Je veux qu’on grave nos initiales sur les pavés de la cité, car les « je t’aime » s’effacent quand on les écrit à la craie.
Cette meuf me rend Rimbaud.
Mes poings crient la douleur qui hurle à l’intérieur de moi. Frapper, il n’y a plus que ça qui compte. Les ecchymoses de Darius sont un pansement sur ma peine.
