Milan, 2019

SEPT ÉTAGES.
TROIS LOIS.Quand quelqu’un est tué dans le quartier de Will, il faut respecter les trois Lois :
1) Ne pas pleurer.
2) Ne pas balancer.
3) Se venger.
Et Shawn, le frère de Will, vient d’être assassiné.
ON
ne croit plus en rien
d’nos jours
c’est pourquoi j’ai gardé
pour moi cette histoire
que je m’apprête à te confier.
La vérité, c’est
que tu vas probablement
pas y croire non plus;
penser que je mens
que je m’égare
mais je te le dis,
cette histoire est vraie.
Elle m’est arrivée.
Vraiment.
C’est arrivé.
Tellement arrivé.

Mais commençons d’abord par ce qui est le plus remarquable en ouvrant ce livre : il écrit en vers libre, sur des pages striées de gris. De courtes strophes, au cœur d’une page. Des mots lapidaires, précis. Des mots qui frappent.
Will vit dans un quartier difficile où il essaie d’éviter au mieux les problèmes. Jusqu’au jour où son frère se fait tirer dessus sous ses yeux. La haine et la colère prennent alors le dessus. Et il va appliquer les règles : ne pas pleurer, ne pas balancer, se venger.
Rien ne peut
étouffer les cris.Même pas les sirènes.
Il trouve l’arme de son frère, et prend l’ascenseur. A chaque étage, quelqu’un montera. Quelqu’un qui fera remonter en lui les souvenirs. Quelqu’un qui le fera prendre conscience de certaine chose.
L’intensité du récit éclipse presque la forme syntaxique du roman. Je dirais plutôt que le fond et la forme sont en parfaite adéquation. Les émotions sont ainsi à fleur de peau, sans fioriture. Le livre fait plus de 300 pages mais il se lit vite. Je n’ai personnellement pas pu le lâcher. J’étais aux côtés de Will dans cette ascenseur. Une descente comme un moment suspendu, une descente qui ne dure en réalité qu’une minute, mais qui semble traîner en durée par ses six rencontres inattendues, essentielles, indispensables.
UN CALIN
peut-il
éplucher à rebours la croûte
du temps,
les lambeaux de peau
durcies mais à vif,
les pustules
irritées, irritantes,
le morceau de soi qui saigne?
Le sujet est dur. Il aura forcément un impact en vous. C’est une lecture qui touche car elle est un reflet de la réalité. C’est de la fiction mais pas seulement. La violence des cités, la précarité, la vengeance… La syntaxe en vers, tel un slam est ici traduit par Insa Sané (rapeur et auteur entre autres de Les Cancres de Rousseau, Sarcelles-Dakar,…).
Ce roman m’a ébranlé. Les derniers mots m’ont abasourdie. Une petite pause, et j’ai éprouvé le besoin de relire les derniers mots, de revivre ces derniers instants.


C’est vrai que la lecture très particulière est prenante, on se demande comment cela va finir.