

Nous faisons la connaissance d’Albaan qui grandit dans une presqu’île nordique régit par les femmes puisque les hommes sont absents car en mer. Elles gouvernent, administrent, remplissent tous les métiers nécessaires au bon fonctionnement de leur cité. La vie y est sereine, paisible. Sauf pour Albaan qui a des nuits peuplés de noirs cauchemars. Présages? avertissements? Elle ne sait pas vraiment. D’autant plus qu’une femme s’est installée récemment dans le village, une étrangère qui semble lui en vouloir et lui serine qu’elle est maudite.
Derrière un rideau d’arbres, au fond de la forêt, un lac noir sous le ciel noir. Et le froid. Un chuintement, une plainte. Un cri de douleur qui signe la fin de la nuit. Lentement, le noir du ciel se griffe d’or et d’argent, le cobalt fond sous l’indigo. Le gémissement, à nouveau, résonne sans que personne ne soit là pour l’entendre. Un trait, un éclair nacré dans le blanc de la glace, et un soupir, le dernier, un son à lacérer le cœur quand la plaque se scinde en deux. Le morceau de glace hésite, il tangue en suivant le clapot des eaux du lac. Le vent tombe, la plaque dérive.
Nous entrons dans ce roman sans réel repère, mais l’ambiance parfaitement décrite. On se retrouve projeter dans cette cité, on fait la connaissance de ses membres, de leurs coutumes et de leurs légendes, comme celle de la Walïlu vivant au cœur de la forêt. On est à un tournant de la vie de cette communauté qui se demande si elle doit s’ouvrir aux étrangers, alors que leur système matriarcal et à l’opposé des autres pays. Certains voudraient aussi amener plus de modernité et de confort. Le débat est ouvert.
On a beau être à l’aube du XXIème siècle, les traditions, ici, sont ancrées, comme les glaciers, elles ne bougent qu’avec une lenteur hypnotique…
Et même si l’ambiance est en apparence lente, l’action est belle et bien présente. Il se passe beaucoup de choses et en très peu de pages, la vie de la jeune Albaan va être bouleversée.
J’ai aimé la place prépondérante de la nature et des coutumes de cette communauté tout en équilibre avec le monde moderne même si parfois les deux se heurtent violemment.
J’ai trouvé cette lecture à la fois originale et poétique, dépaysant et moderne. C’est beau. Faite confiance à Cécile Roumiguière pour vous transporter dans son histoire.
A cette époque là, une fois par mois, la nuit où la lune est la plus ronde, la Walïlü sillonnait les forêts et les champs et gobait tout sur son passage. C’était sa façon de se nourrir, tout le monde le savait. Alors, ces nuits-là, qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid, personne ne sortait…
Envoûtant, différent, dépaysant et poétique.
Ça me paraît une belle lecture pour s’évader !