Prix Audiolib/Roman

Taqawan d’Eric Plamondon

Taqawan

Auteur : Eric Plamondon

Lu par François-Eric Gendron

4h08

Audiolib, 2020
Quidam éditeur, 2018

 

 

résumé Ici, on a tous du sang indien et quand ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. » Le 11 juin 1981, trois cents policiers de la sûreté du Québec débarquent sur la réserve de Restigouche pour s’emparer des filets des Indiens mig’maq. Émeutes, répression et crise d’ampleur : le pays découvre son angle mort. Une adolescente en révolte disparaît, un agent de la faune démissionne, un vieil Indien sort du bois et une jeune enseignante française découvre l’immensité d’un territoire et toutes ses contradictions. Comme le saumon devenu taqawan remonte la rivière vers son origine, il faut aller à la source… Histoire de luttes et de pêche, d’amour tout autant que de meurtres et de rêves brisés, Taqawan se nourrit de légendes comme de réalités, du passé et du présent, celui notamment d’un peuple millénaire bafoué dans ses droits.

 

 

cequejenaipenséC’est avec beaucoup de curiosité que j’ai commencé cette écoute. En effet, j’ai vu passer de nombreuses critiques (souvent très positives) de ce roman et le thème me parlait.
Nous sommes en 1981 dans une réserve indienne au Québec. Les Indiens Mig’maq ont pour tradition la pêche du saumon mais l’économie et la politique passant par là, ce n’est pas le goût de tout le monde. Ce 11 juin 1981, trois cent policiers débarquent dans la réserve. A coups de lacrymogènes, de coups, ils veulent faire taire ces « sauvages »qui ne veulent pas se soumettre à la loi.
Au milieu de cette crise majeure (la guerre du saumon durera de 1981 à 1982), Eric Plamondon met en scène plusieurs destins reflétant les problématiques de l’époque : Océane, 15 ans, qui a assisté aux révoltes. Lors d’un second raid des forces de l’ordre, elle fera partie des victimes et abandonnée dans la forêt. Elle y rencontrera Yves, un agent de la faune qui vient de démissionner. Ensemble, ils vont avancer, se reconstruire face à ces terribles événements, tout en essayant d’échapper à ceux qui recherchent Océane. Ils rencontreront plusieurs personnes qui leur viendront en aide.
– Tu sais qu’avec l’Acte des pêcheries de 1858, la Couronne impose les permis de pêche. A partir de là, les Indiens, il faut qu’ils demandent la permission de continuer à faire ce qu’ils font depuis des millénaires. Pour eux, demander des permis pour pêcher, c’est comme demander des permis pour vivre.
Taqawan, c’est le nom du saumon qui est enfin en âge de remonter les cours d’eau, à ses origines.
Taqawan un nom de roman bien choisi qui revient sur les origines de ce guerre à la fois politique, économique et culturelle. On y parle  des coutumes des Indiens mig’mac qui sont mis à mal par l’autorité. Autorité qui veut éteindre ces « sauvages », les faire disparaître ou du moins les faire « évoluer » de force. Depuis quelques années, la littérature témoigne de ce pan de l’histoire canadienne où l’on a rééduqué de jeunes indiens dans des pensionnats religieux pour les forcer à oublier leurs coutumes, à oublier leurs origines, pour les « civiliser ». Je pense notamment au percutant roman d’Elise Fontenaille Kill the indian in the child (Oskar), au Pensionnat de Michel Noël (Éditions Dominique et compagnie) ou encore à Sauvages de Nathalie Bernard (Éditions Thierry Magnier). Ces romans, tout comme celui d’Eric Plamondon, sont des témoins des persécutions et des injustices qu’ont pu connaître ces peuples durant des années.
Avec le temps, on s’est mis à les appeler des Amérindiens. Plus tard, on dira des autochtones. Avant ça, on les a longtemps traités de sauvages. On les a surnommés comme ça, des hommes et des femmes sauvages. Il faut se méfier des mots. Ils commencent parfois par désigner et finissent par définir. Celui qu’on traite de bâtard toute sa vie pour lui signifier sa différence ne voit pas le monde du même œil que celui qui a connu son père. Quel monde pour un peuple qu’on traite de sauvages pendant quatre siècles?
L’auteur pose les questions de l’identité, de l’appartenance à un peuple, du droit à la liberté de croyances, du droit à l’autonomie pour ces peuples autochtones. J’ai trouvé le roman fort, engagé, donnant de la voix à cette partie de la population qu’on a cherché à faire taire et dont le destin préoccupait si peu leurs contemporains. Et même si cette part historique prend de la place dans le roman, nous n’oublions pas que nous sommes dans une fiction à la façon dont l’auteur intègre ses personnages et son récit à la réalité historique, dans une intrigue reprenant les codes du roman policier, en quête de vérité et de survie. L’auteur rythme son récit avec de courts chapitres vifs et rapides qui allège la densité des faits.
Paru en 2017 chez Quidam éditeur, il est remis sur le devant de la scène littéraire avec cette version audio en octobre dernier et une nouvelle fois en faisant partie – à juste titre – de la présélection pour le Prix Audiolib 2021. C’est l’acteur François-Eric Gendron qui met en son ce roman. Même si je connaissais l’acteur, j’ai découvert très récemment son travail de lecteur avec Buveurs de vent de Franck Bouysse. J’ai apprécié sa proposition vocale, sa façon de nous narrer cette histoire, de nous faire entrer dans le récit : un ton calme, posé, une voix qui vibre aux rythmes des différentes (més)aventures des personnages.
Un roman fort mêlant faits historiques et fiction. Réussi !

3 réflexions sur “Taqawan d’Eric Plamondon

  1. Ce livre m’avait beaucoup marquée à sa sortie, je suis contente de voir qu’une version audio fait à nouveau parler de lui ! 🙂 (Du coup, j’ai envie de le relire mais je l’ai prêté et on ne me l’a jamais rendu… Ca dit des choses aussi ! ^^)

Un petit mot ?