Dear Evan Hansen
titre original : Dear Evan Hansen
Auteur : Val Emmich
d’après la comédie musicale de Steven Levenson, Benj Pasek et Justin Paul (coauteurs)
trad. de l’anglais (États-Unis) par Pascale Jusforgues
428 p.

Dès lors, tout le monde est persuadé qu’ils étaient meilleurs amis et Evan se retrouve au centre de l’attention du lycée… et de Zoé, la sœur de Connor, qu’il aime en secret. Pour la première fois, Evan se sent compris, apprécié, il se sent exister. Tout ce qu’il a à faire, c’est maintenir l’illusion.
Chanteur, compositeur, acteur, romancier : Val Emmich a plusieurs casquettes. Vous l’avez peut-être notamment aperçu dans quelques épisodes d’Ugly Betty. Avec Dear Evan Hansen, il adapte une comédie musicale américaine à succès, qui se joue à Broadway en 2015 et 2016 et qui a reçu 6 Tony Awards dont remporté 6 prix dont celui de la meilleure comédie musicale, de la meilleure partition originale, du meilleur acteur de comédie musicale et du meilleur second rôle. Sacré palmarès.
Val Emmich a donc voulu adapter cette œuvre musicale en roman pour adolescents. Un roman abordant des thèmes forts : la solitude, l’anxiété, le suicide chez l’adolescent.
J’aimerais juste que ma vie, pour une fois, ne serait-ce qu’un jour, voire quelques heures, soit un peu plus cool. Je ne peux jamais m’installer tranquillement, confortablement, et vogue le navire. Des gens comme Rox, par exemple, posent leurs pieds sur la table et se laissent bercer par les flots. Moi, non. Je suis toujours au bord de la noyade.
Evan Hansen est un jeune ado mal dans sa peau. Il est un angoissé maladif et dépressif, qui aime la sécurité de sa solitude mais qui malgré tout aimerait avoir des amis. Mais pas facile dans un cas comme lui. C’est la rentrée. Il y va à reculons. D’autant plus qu’il a le bras cassé, encore un moyen de se faire remarqué et moqué pense-t-il. Sa mère le pousse à aller vers les autres, son psy aussi. Il a pour exercice quotidien de s’écrire des lettres positives. Chaque matin, il doit prendre la plume et écrire : « Cher Evan Hansen, Cette journée va être géniale et voici pourquoi. » Exercice qu’il fait toujours à contre cœur tant il a l’impression que ce n’est pas lui, que chaque journée ne peut qu’être pire que la précédente.
Ce jour-là, il écrit une lettre pleine de tristesse, reflet de son état d’âme, de sa solitude. Sauf que ce jour-là, un de ses camarades, Connor, brute du lycée, va le bousculer et lui prendre sa lettre. Sauf que Connor mettra fin à ses jours quelques jours plus tard avec cette lettre dans la poche. Les parents de ce dernier qui le pensait sans ami, vont voir en Evan l’occasion de découvrir leur fils par les yeux de son seul ami : lui. Il tente de les détromper et puis… si finalement il s’inventait une amitié avec Connor? et si c’était l’occasion de se créer une facette de sa vie plus attrayante, plus rêvée ?
Mais forcément ce n’est pas si facile !
Avec un point de départ dur, l’auteur arrive à en faire un roman par moment léger. En effet, l’envie de bien faire d’Evan se mêle à sa maladresse et à son inexpérience dans la maladie. Il s’empêtre dans ses mensonges et réserve des échanges parfois « amusants ». Mais on retiendra surtout la fragilité du héros, des deux héros car Connor va, dans son absence, se révéler lui aussi. Chacun, à sa façon, va se dévoiler, mettre des mots sur leurs maux d’adolescents, sur la difficulté à affirmer leur personnalité, sur leur identité. Evan, tout comme Connor, souffre. Son angoisse, sa solitude, sa détresse sont ici évoqués avec beaucoup de justesse et de sensibilité.
J’ai aussi compris qu’éviter les gens ne calmait pas mon anxiété. Même là-bas dans les bois, il fallait encore que je supporte ma propre compagnie.
Il y a certes beaucoup de mensonges de la part d’Evan mais on comprend son besoin de départ d’agir ainsi, et on comprend aussi à quel point il se sent piégé et dépassé par la situation qui va prendre une ampleur inattendue. J’ai souffert pour lui, d’être enfermé dans ses affabulations. Il sait qu’il va encore décevoir beaucoup de monde quand la vérité éclatera car cela semble inéluctable. Il sait qu’il sera de nouveau seul, rejeté, et moqué… et même pire. L’angoisse se referme sur lui. Et on ne peut que ressentir de la peine pour lui au fur et à mesure que le piège se referme sur lui. Nous allons vivre à ses côtés des hauts et des bas émotionnels, ressentir sa culpabilité et sa vulnérabilité.
J’ai aimé la façon l’intrigue se tisse, comment l’auteur développe la personnalité de ses personnages et comment il aborde des thématiques sensibles et si importantes pour les adolescents en quête de leur identité et qui doivent faire face à la gestion de beaucoup d’éléments à cet âge de la construction de soi.
Un roman sensible et touchant.
Il me tente beaucoup ce livre.
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