Hamnet
Autrice : Maggie O’Farrell
trad. de l’anglais (Irlande) par Sarah Tardy
359 p.
Belfond, 2021

Agnes, leur mère, n’est pourtant pas loin, en train de cueillir des herbes médicinales dans les champs alentour ; leur père est à Londres pour son travail ; tous deux inconscients de cette maladie, de cette ombre qui plane sur leur famille et menace de tout engloutir.
Porté par une écriture d’une beauté inouïe, ce nouveau roman de Maggie O’Farrell est la bouleversante histoire d’un frère et d’une sœur unis par un lien indéfectible, celle d’un couple atypique marqué par un deuil impossible. C’est aussi l’histoire d’une maladie « pestilentielle » qui se diffuse sur tout le continent. Mais c’est avant tout une magnifique histoire d’amour et le tendre portrait d’un petit garçon oublié par l’Histoire, qui inspira pourtant à son père, William Shakespeare, sa pièce la plus célèbre.
Un petit garçon descend un escalier.
C’est un escalier étroit, en colimaçon. Le petit garçon progresse avec prudence le long du mur, faisant résonner un bruit sourd chaque fois que ses bottes se posent sur une marche.

Nous voilà à Stratford en 1596. Agnes est une jeune fille à part, libre, vivant au rythme de la nature, passant son temps dans les bois à cueillir des plantes médicinales ou à s’occuper de son faucon. C’est sa personnalité qui séduira un jeune précepteur, William.
Par peur du scandale, les deux jeunes gens se marient et s’installent dans une maison du père de William, violent et colérique. Peu de temps après cette installation, Agnes donnera naissance à Susanna, et quelques années plus tard, aux jumeaux, Judith et Hamnet. Alors qu’une épidémie de peste fait des ravages dans le pays, Judith tombera malade et son frère fera tout pour lui venir en aide.
Le roman est découpée en deux temps. Avant et après la mort du jeune Hamnet.
Et c’est alors qu’Agnès comprend une chose : elle peut tout supporter, mais pas la souffrance de son enfant. la séparation, la maladie, les coups, la naissance, le manque de sommeil, la faim, l’injustice, le rejet des autres, Agnès peut tout endurer, mais pas cela : pas son enfant fixant du regard son jumeau décédé. Pas son enfant pleurant la mort de son frère. Pas son enfant accablé de chagrin.
Avant, nous découvrons la rencontre d’Agnes et William, de leur installation et de leur vie simple et parfois difficile. William est en conflit avec son père violent, et sa famille n’a jamais accepté le choix qu’il a fait en épousant Agnes et sa vie différente. On voit ensuite les enfants grandir et affronter cette terrible maladie. A ce moment là, William est parti s’installer à Londres dans l’espoir de trouver un métier qui permettrait de s’affranchir du joug paternel et de faire venir sa famille.
Après, il y aura la douleur de la perte, le deuil d’une mère pour son fils, une vie qui continue malgré l’absence,… On ressent toute la puissance de la souffrance d’Agnes. Elle qui nous semblait jusque là forte, capable de tenir tête à tout le monde, s’effondre, se fragilise.
Hamnet, William… ces deux noms ont de quoi vous interpeller. Il s’agit bien de William Shakespeare. Mais ici sa carrière au théâtre est à peine évoquée. Nous découvrons plus l’homme, son entrée dans l’âge adulte… mais il est en grande partie absent de ce roman. En effet, l’autrice a choisi de nous parler de son fils Hamnet dont on sait très peu de chose. A part qu’il est à l’origine de la pièce Hamlet. Ici elle nous parle de son rôle de mari, de père absent. On le découvre par le regard de sa femme, aimante et éloignée de sa vie londonienne dans lequel elle aurait sans doute eu du mal à s’y épanouir.
Maggie O’Farrell nous parle ici, de famille, d’amour et de deuil. Elle s’est inspirée de la biographie de William Shakespeare, mais, ayant peu de « matière », en ce qui concerne cette partie de sa vie, elle a laissé libre court à son imagination créative mais réaliste. Elle a su rendre cette histoire vibrante d’émotions.
J’ai aimé rencontrer Hamnet et Agnes. J’ai été ému plusieurs fois au cours de ma lecture et pourtant à certains moments, le rythme plus lent et certains passages plus monotones m’ont parfois perdue. Ces quelques longueurs ont failli me faire arrêter ma lecture mais le personnage d’Agnes me donnait envie de rester auprès d’elle pour affronter son deuil, voir comment cela allait se passer après… Et j’ai bien fait de continuer car la sensibilité d’Agnes m’a touchée même si dans la réalité elle n’était peut-être pas ainsi, la version de Maggie O’Farrell m’a beaucoup plu.

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