Éditions Grasset et Fasquelle, 2020
« Il s’est trompé, il a appuyé sur la mauvaise touche, pensa aussitôt Ziad. Il ne va pas tarder à redescendre… Il se retint de crier : “Papa, tu fais quoi ? Papa ! Je suis là, je t’attends…” Pourquoi son père tardait?il à réapparaître ? Les courroies élastiques de l’ascenseur s’étirèrent encore un peu, imitant de gigantesques chewing-gums. Puis une porte s’ouvrit là-haut, avec des rires étranges, chargés d’excitation, qu’on étouffait. Il va comprendre son erreur, se répéta Ziad, osant seulement grimper quelques marches, sans parvenir à capter d’autre son que celui des gosses qui jouaient encore dans la cour malgré l’heure tardive, et la voix exaspérée de la gardienne qui criait sur son chat.
Son père s’était volatilisé dans les derniers étages de l’immeuble, et ne semblait pas pressé d’en revenir. »
Ziad, 10 ans, ses parents, Anne et Bertrand, la voisine, Muriel, grandissent, chutent, traversent des tempêtes, s’éloignent pour mieux se retrouver. Comme les Indiens, ils se sont laissé surprendre ; comme eux, ils n’ont pas les bonnes armes. Leur imagination saura-t-elle changer le cours des choses ? La ronde vertigineuse d’êtres qui cherchent désespérément la lumière, saisie par l’œil sensible et poétique d’Isabelle Carré.
Je connaissais Isabelle Carré actrice mais je ne connaissais pas encore la Isabelle Carré autrice. Son précédent roman, Les Rêveurs, a été plébiscité et récompensé par plusieurs prix dont notamment le Prix des lecteurs de L’Express et le Grand Prix RTL-Lire. Sachant cela (sans avoir lu ledit roman), j’étais curieuse d’écouter ce dernier titre de la présélection du prix Audiolib. D’autant plus que j’aime beaucoup Isabelle Carré en tant qu’actrice.
Alors qu’en est-il pour ce Du côté des Indiens ?
Ziad, jeune garçon de 10 ans, attend toujours impatiemment ses parents le soir. Il guette les bruits de l’ascenseur. Un soir, ce rituel est perturbé. Son père ne s’arrête pas au bon étage et n’entre pas dans le bon appartement.
L’année de ses dix ans a sonné la fin d’une récréation, celle de l’insouciance.
Ziad est le point de départ de toute une galerie de portrait. Il en est aussi le point relais, le lien reliant les récits qui vont s’entrecroiser. Des portraits de personnes parfois seules, parfois perdus, souvent rudoyer par la vie. Une vie qui les a bousculé dans le passé oui qui a les secoue devant nos yeux. Un présent fragile, en déséquilibre.
Du côté des Indiens… Isabelle Carré a placé son/ses récit(s) volontairement du côté des perdants, de ceux qui rêvent d’une vie meilleure mais que la vie n’épargne pas. Son regard doux et sensible dessine la vie des uns et des autres, rebondit d’une histoire, d’un fragment de vie à l’autre.
Cela peut être, d’ailleurs, assez déroutant de passer d’une vie à l’autre, comme si on zappait d’un personnage à l’autre. On apprend à faire connaissance avec eux, on nous parle de qui ils sont, contre quoi ils se débattent, de ce qu’ils sont en train de vivre, et hop en instant on passe au suivant. L’ascenseur s’arrête à l’étage suivant, sur l’épisode suivant. Seul Ziad repasse dans le prisme de la caméra de l’autrice. Il fait le lien entre Bertrand, Anne et Muriel.
Certains de ces récits m’ont plus accroché que d’autres. Le ton de l’autrice est tantôt monotone tantôt passionné. Et on retrouve cette tonalité d’écriture dans la lecture qu’elle nous en fait dans la version Audiolib. Elle m’a tour à tour séduite et perdue. Mon esprit accroché à l’histoire de Ziad ou de Muriel et partait ailleurs pour un des autres.
Je reconnais sans problème la délicatesse et la poésie des mots de l’autrice, de la sensibilité qu’il s’en dégage. Isabelle Carré aborde plusieurs thématiques (l’adultère, la maladie,…) et peut se permettre ce changement de registre et de ton en donnant la voix à des personnages différents.
Elle préférait que le monde du cinéma ne soit entaché d’aucune triste réalité, que Ziad continue de rêver, qu’il puisse toujours entrer dans une salle obscure avec la certitude d’y trouver un abri, à l’écart ou bien entouré, et qu’à l’heure de la séance, il retrouve ce plaisir intact, quand tout s’éclaire sous la lumière des projecteurs, et qu’apparaît l’assurance d’une vie meilleure, là où la solitude n’existe pas.
Je reste néanmoins très mitigée sur cette audiolecture. Les tranches de vie racontées ici sont touchantes, émouvantes mais il m’a manqué quelque chose pour m’imprégner, pour m’impliquer plus dans ma lecture. J’ai laissé volontairement plusieurs jours passer avant de venir vous parler de cette lecture afin d’arriver à mettre des mots sur mon ressenti. Mais malgré ce temps de réflexion, je n’arrive pas à trouver ce qu’il m’a manqué ici malgré la poésie et la sensibilité de l’autrice. C’est donc une lecture en demi-teinte pour moi cette fois-ci.
Cela vous arrive à vous aussi de ne pas vraiment comprendre pourquoi la rencontre entre un livre et vous ne s’est pas faite ? Avec quel roman ?
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