Polar Vert – 1. Les Algues assassines
Auteur : Thierry Colombié
247 p.
Une plage bretonne recouverte d’algues vertes toxiques. Un cheval mort. Un cavalier dans le coma. Et sa sœur, Klervi, qui court tout droit vers l’enfer. Marées vertes. Trafics d’espèces protégées. Les crimes contre l’environnement sont des crimes aussi graves que les autres. Klervi, du jour au lendemain, se retrouve au centre de l’enquête, à la fois témoin et coupable. Quel rôle va-t-elle y jouer ?
Le gendarme en civil reçoit un message sur son portable, y répond rapidement à l’aide de ses deux pouces et me dévisage :
– As-tu conscience, Klervi, que tu as participé à un trafic d’espèce protégée ?
– Pas du tout, je murmure. Je n’ai rien fait de mal…
– Et que ce trafic a plongé ton frère dans le coma, et tué ton cheval ?
Je dois protéger mon Lucas, alors j’attaque :
– Tout ça, c’est la faute des agriculteurs, des pesticides, des politiques qui s’en sont foutu plein les poches depuis cinquante ans ! C’est eux qui ont tué les civelles et les ont remplacées par des algues pourries ! S’il n’y avait pas de marées vertes, on n’en serait pas là !
Polart vert… un titre qui porte bien son nom puisqu’il est un parfait mélange entre enquête et écologie.
Nous sommes en Bretagne.
Klervi est en colère contre son frère qui est partie en balade avec son cheval. Elle sait vers où il est allé et est bien déterminé à lui faire entendre toute sa colère. Mais sur la plage, elle va découvrir une scène terrible : son cheval, mort, empêtré dans des algues vertes. Son frère inconscient. En volant à son secours, elle fait un malaise.
Elle se réveille à l’hôpital et apprend que son frère est dans le coma à cause des vapeurs toxiques que dégagent ces algues vertes.
Tu sais ce que c’est, l’éco-anxiété ? demande-t-elle froidement. Non, tu ne sais pas, évidemment… C’est la perspective d’une Terre définitivement saccagée par l’activité humaine, la fin de l’Anthropocène.
Elle brandit le magazine, fâchée par mon ignorance.
– Tu sais ce que c’est, l’Anthropocène ?
Je secoue la tête. J’ai soudain honte. Je me dégoûte de m’être autant éloignée de Jez, nous qui étions, il y a encore
un an, inséparables. Avant que l’amour pour Lucas m’emporte ailleurs, dans le confort de la famille Royer et leur bras
d’honneur à l’autorité.
Mais cet accident n’est que le début pour Klervi. Elle va se retrouver mêler à une affaire de trafic de civelles (ou comme on dit chez moi de pibales). En effet, son petit-ami, Lucas, et sa famille s’est enrichi grâce à ce trafic très lucratif. En quoi l’accident de son frère et ce trafic sont-ils liés ? Klervi, apeurée et écartelée, va se trouver au cœur même d’une enquête policière d’envergure. Elle s’y retrouve bien malgré elle au départ. En effet, Klervi se montre tout d’abord assez égoïste et n’est pas consciente des conséquences de ses actes. Elle pense surtout à sa relation avec son Lucas. Elle veut le protéger. Pour elle, ce n’est pas si grave ce qu’il fait, et puis elle est persuadée qu’il agit sous pression de sa famille. A la fois témoin et complice, les enquêteurs lui proposent une autre option : devenir indic. Une option qui va encore plus la piéger dans tout ça. Peu à peu elle va comprendre l’ampleur, les dérives et les répercussions de ce trafic…
Il se tourne vers moi, puis ajoute :
– Klervi, t’oublies pas ?
– Quoi ?
Il pose une main sur sa bouche, ses deux mains sur ses oreilles, puis sur ses yeux, avant de claquer la portière. Je
regarde Lucas qui, les yeux vissés sur le dos de son braconnier préféré, m’explique :
– Les trois singes : ne pas voir le mal, ne pas entendre le mal, ne pas dire le mal. Les trois clés de tout business.
Thierry Colombié signe ici son premier roman à destination des adolescents. Economiste, spécialiste du trafic de drogue, de la criminalité organisé, il est aussi scénariste, réalisateur et auteur de romans. De part ses spécialités et ses rencontres, il a eu l’idée de créer une série de roman afin de sensibiliser les lecteurs à la protection de l’environnement et au respect de la biodiversité. Le public adolescent lui a alors paru le plus à même d’appréhender ses thèmes et d’agir. En choisissant des régions françaises, connues de ce public, l’auteur a voulu démontrer que l’impact humaine sur l’environnement est visible à nos portes. Il alerte, amène à s’interroger, à s’inquiéter à notre échelle sur les dérives de l’industrie, de l’agriculture intensive mais aussi de l’urbanisation. Dans ce roman, il fait un état des lieux inquiétants.
Nous allons suivre Klervi dans son enquête, sur les routes de France. Enquête qui va démontrer le lien entre impact écologique et trafic. Comment une pénurie créée une demande, une demande qui a favorisé la contrebande.
J’ai vraiment apprécié les réflexions qui jalonnent cette enquête. Le roman est riche d’information, d’explication, de logique sans toutefois noyer l’intrigue policière. De façon intelligente, l’auteur imbrique les deux au point où la défense de l’environnement en devient un personnage à part entière, puisque sans ce thème, il n’y aurait pas ce trafic et donc pas de récit.
Klervi est l’héroïne bien malgré elle de ce premier tome. Une héroïne agaçante, égoïste… ou tout simplement amoureuse. Elle en devient aveugle. Mais les faits vont la rattraper, lui ouvrir les yeux. Et malgré ses maladresses, ses incertitudes, elle va évoluer. Il faut avouer qu’elle se retrouve embringuer dans une sacrée histoire et on ne sait pas comment on réagirait à sa place !
Il s’agit ici d’un premier tome d’une duologie. Mais l’auteur ouvre la voie (j’espère) d’une série sans doute plus longue qui sera nourri par cette idée de sensibilisation à la défense de l’environnement et de la santé publique.
