Roman

L’Envol d’Aurélie Valognes

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L’Envol

Autrice : Aurélie Valognes
Lu par Françoise Cadol et Aurélie Valognes

5h33
Audiolib, 2023
Éditions Fayard, 2023

résumé Entre une mère et sa fille, l’amour reste toujours fragile. Entre bienveillance et malentendus, envie d’être ensemble et désir d’émancipation, portraits croisés d’une mère célibataire et de sa fille unique. D’abord fusionnelle, leur relation se distend quand l’école puis l’ascension sociale de la fille viennent heurter les rêves plus modestes de la mère. Un roman touchant, beau et émouvant sur l’amour filial, qui interroge les différences de classes, les notions de réussite et de bonheur, et qui pose surtout la question que nous avons tous dû affronter : peut-on grandir sans trahir ?

cequejenaipensé Pour ce nouveau roman, Aurélie Valognes nous livre avec beaucoup d’émotion la relation d’une fille avec sa mère, une histoire inspirée de sa propre histoire.

Ce récit a pris du temps à s’installer. elle n’arrivait pas à trouver la bonne forme pour le proposer à ses lecteurs. Ce sera sous forme de deux monologues parallèles, s’entrecroisant qu’il finira par voir le jour. Les voix de la mère, Gabrielle et de la fille, Lili, qui se font écho, qui racontent leur relation, le temps qui passe mais pas seulement…

Gabrielle est aide de vie. Elle a peu de moyen mais elle a toujours tout fait pour que sa fille ne manque de rien et n’en souffre pas. Quitte à se priver elle-même. Sa fille c’est tout ce qui compte. Son bonheur et son épanouissement avant tout. Surtout que Lili est très intelligente. Elle peut aller loin.
Lili on la rencontre fillette et on la suit jusqu’à l’âge adulte. Depuis petite, Lili est curieuse, elle a soif d’apprendre. Elle aime ça. Elle s’ennuie en classe ou se montre impertinente parce qu’elle sait déjà. Elle a des facilités et elle le sait. Elle n’aime pas qu’on lui mette des barrières. Alors quand un jour, un prof explique à la classe qu’un enfant issu d’une classe sociale inférieure ne pourra jamais grimper les échelons et fini en haut de la pyramide sociale… Lili prend ça comme un défi. Elle, elle y arrivera. Elle va leur montrer. Elle se lance à corps perdus dans ses études, et ce ne sera pas facile d’y faire sa place…

Tour à tour, Aurélie Valognes laisse la parole à l’une ou à l’autre de ses protagonistes. Quelques phrases, ou quelques mots… chacune sa façon de voir les choses, chacune sa façon de vivre les choses. Gabrielle qui se sacrifie pour le bonheur de sa fille, qui s’inquiète de la voir si obstinée, qui est si fière aussi même si elle ne comprend pas vraiment la nouvelle sphère dans laquelle sa fille veut et va évoluer.

Lili qui s’acharne. Qui aime sa mère, qui réalise ses sacrifices mais qui ne sait pas lui montrer sa reconnaissance. Lili qui s’oublie, qui se fait du mal, qui en oublie l’essentiel.

J’ai aimé découvrir la relation fusionnelle de Lili et Gabrielle. Cet amour qui s’épanouit sous nos yeux alors que Lili est une enfant. L’amour et la fierté qui transparait dans les mots de la mère. Mais aussi l’inquiétude, la peur de ne plus reconnaître sa Lili.

Lili m’a touchée aussi car elle veut lutter contrer les préjugés sociaux, les règles préétablies et abattre les passerelles entre les classes sociales. Ambitieuse et déterminée, elle ne veut pas suivre le destin tracer par la société : elle veut vivre sa propre vie comme elle l’entend… mais ce n’est pas quelque chose de facile à faire dans notre société… et on le verra bien dans ce récit, que les premiers obstacles se mettent en place à l’école. Alors que ce devrait être le contraire.

On ne peut pas changer le passé, mais on peut changer le présent. Tout est dans la manière de regarder ce qui s’est passé et de l’accepter. De pardonner aussi. De prendre la vie telle qu’elle est, pas telle qu’on l’a rêvée.

Aurélie Valognes utilise, comme je le disais plus haut, le double monologue avec un double « je ». Pour une même partie de l’histoire on aura le point de vue de l’une et de l’autre en même temps, qui s’entrecoupe et se complète. Et cette double narration se révèle encore plus forte dans la version Audiolib. La mère est incarnée par Françoise Cadol et Lili, par l’autrice elle-même.

Dans l’interview bonus de la version Audiolib, Aurélie Valognes explique que c’était un exercice qui la tentait beaucoup mais qu’elle ne se sentait pas capable de jouer et de donner vie à autant de personnages que dans un roman classique. Ici, la double narration, lui a donné l’occasion de s’y essayer et elle s’en tire à merveille. on dirait qu’elle a fait ça toute sa vie ! Il est vraie que Lili est grandement inspirée d’elle-même ce qui doit aider. Mais elle a réussi à adapter le son de sa voix en fonction de l’âge et à transmettre les émotions également.

Comment peut-on satisfaire de naître, grandir, vivre et mourir au même endroit ? Sans avoir envie de voir autre chose. Comment peut-on ne pas avoir envie de vérifier que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, quitte à revenir ensuite ?

A l’écoute de ce roman, j’ai ressenti beaucoup d’émotions. J’ai aussi reconnu d’une certaine façon ma mère dans les traits de Gabrielle. Tout comme elle, elle a dû arrêter ses études très tôt et elle a passé sa vie à s’occuper de ses frères et sœurs puis de ses enfants. Je pense que tout comme Gabrielle, elle ne regrette pas forcément cette vie, qu’elle a fait au mieux pour nous. Mais je pense que tout comme Gabrielle elle s’est effacé de sa propre vie, s’est beaucoup inquiétée pour nous et s’inquiètera toujours pour nous.

Je ne suis pas mère (et je ne sais pas si je le serais un jour) mais je comprends tout à fait ce besoin de protection et d’inquiétude pour le bien être de son enfant qu’exprime ici la mère de Lili. Certains l’a trouveront peut-être trop protectrice moi je pense qu’elle est juste réaliste sur le monde qui nous entoure, un monde qui ne fait pas de cadeaux entre les classes sociales. Et je pense que Lili l’a compris en grandissant, a compris l’amour de sa mère et cet instinct de protection.

en bref Un très beau roman, émouvant et sincère, sur les relations mère/fille et sur la mobilité sociale. 

– Comment ça s’appelle l’amour pour son enfant ?
– Ça, c’est une très bonne question. Je crois qu’il n’y a pas de nom. Peut-être qu’on pourrait lui en donner un. Tu as une idée ?
– Moi j’appellerai ça l’amour grenadine !

 

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