Roman

Les Gardiens du phare d’Emma Stonex

gardiensduphareLes Gardiens du phare

titre original : The Lamplighters
Autrice : Emma Stonex
trad. de l’anglais par Emmanuelle Aronson
Lu par Christine Braconnier et Guillaume Orsat

9h30
Audiolib, 2022
448 p.
Editions Stock, 2022

 
 

résumé Au cœur de l’hiver 1972, une barque brave la mer déchaînée pour rejoindre le phare du Maiden Rock, à plusieurs milles de la côte de Cornouailles. À son bord se trouve la relève tant attendue par les gardiens. Mais, quand elle accoste enfin, personne ne vient à leur rencontre. Le phare est vide. La porte d’entrée est verrouillée de l’intérieur, les deux horloges sont arrêtées à la même heure, la table est dressée pour un repas qui n’a jamais été servi et le registre météo décrit une tempête qui n’a pas eu lieu.
Arthur Black, le gardien-chef de la Maiden, Bill Walker son irréprochable second et Vince, le petit nouveau, se sont volatilisés.
Vingt ans plus tard, alors que la mer semble avoir englouti pour toujours leurs fantômes, les veuves des trois hommes, Helen, Jenny et Michelle, ne peuvent oublier cette tragédie. Au lieu d’être unies dans le deuil et le chagrin, elles ne cessent de se déchirer, accablées par le poids de silences, de rancœurs et de remords bien trop lourds pour enfin tourner la page.
Jusqu’au jour où un écrivain à succès les approche. Il veut entendre leurs versions de l’histoire et tenter de percer le mystère du Maiden Rock. Petit à petit, le vernis se craquelle, le sel de la mer envahit le présent, et les secrets profondément enfouis refont surface…

cequejenaipensé C’est un des titres de la sélection 2022 du prix Audiolib que j’avais le plus hâte d’écouter. Le résumé a de suite éveillé ma curiosité. Il se dégageait une aura de mystères et d’énigmes telle que je les adore.

1972. A quelques milles de la côte de Cornouailles, on retrouve le phare vide de ses trois gardiens. Tout est rangé, nettoyé. La table mise pour deux personnes. Les horloges bloquées à la même heure. Et surtout le phare est fermé… de l’intérieur.

Que s’est-il passé?

Vingt ans plus tard. Les veuves se posent toujours cette question qui les hante. Et cette histoire est régulièrement ravivée par des journalistes ou des touristes. Cette fois, c’est un auteur  qui s’en mêle et qui décide de se rendre sur place pour interroger, essayer d’élucider ce mystère. Et qui sait peut-être aidera-t-il les veuves a tourné la page ?

Emma Stonex, tout d’abord éditrice anglaise puis autrice, signe avec Les Gardiens du phare le premier roman sous son véritable nom. Un roman que j’ai aimé par son ambiance et par son construction.

Si la vie m’a appris un truc, c’est qu’il y a deux catégories de personnes. Celles qui entendent un craquement la nuit, dans une maison isolée, et qui ferment les fenêtres parce que c’est sûrement le vent. Et celles qui entendent un craquement la nuit, dans une maison isolée, et qui allument une bougie pour aller voir ce que c’est.

L’ambiance tout d’abord. Mystérieuse. Énigmatique… qui se transforme au fil du temps en soupçons, en certitude puis de nouveau en doute.

La construction ensuite. Nous sommes dans un récit à la troisième personne la plupart du temps. Nous avons un regard extérieur à ce qu’il s’est passé là-bas. Dans ce phare. L’autrice nous parle de ces hommes. On voit se dessiner sous nos yeux leur personnalité, leur quotidien, leurs habitudes différentes selon s’ils sont sur le phare ou chez eux, leur travail à la fois pénible et satisfaisant. Mais l’autrice ne s’arrête pas à ce regard extérieur. en effet, elle leur donne la parole. Ils vont se raconter : comment ils sont arrivé à faire ce métier atypique, comment ils le vivent, le ressentent, leurs émotions, leurs rituels… pour arriver au moment de leur disparition…

En parallèle, l’auteur qui fait son enquête sur ce fait divers hors norme va se rendre auprès des veuves. Lui, on ne l’entend pas. C’est elles qui parlent. Vingt ans qu’elles se taisent. Vingt ans qu’elles attendent et espèrent. Vingt ans qu’elles veulent chacune à leur façon enfin tourner la page. Vingt ans qu’elles n’ont rien dit mais bizarrement, elles vont chacune le faire avec cet auteur. Il semble être la bonne personne, arrivé au bon moment. Alors elles racontent aussi leur vie. Parce qu’être femme de gardien de phare n’est pas évident non plus. S’adapter, s’ajuster, attendre, faire avec… Et puis elles expliquent leur attente… et finissent chacune par donner leur vision de ce qui a pu se passer. Entre ce qu’elles savent de ce qui a été trouvé sur place et les rumeurs qu’il y a eu ensuite sur les uns et les autres.

Les rumeurs… c’est bien le fil conducteur de ce récit en quelques sortes. Comme de rumeurs naissent des certitudes. Même si ça ne colle pas avec les indices. Les préjugés, les impressions et les rumeurs prennent souvent le dessus sur la vérité et les rumeurs.

Quand le dénouement arrive, que nous avons une version plausible et possible des faits qui auraient pu se dérouler… et bien personnellement je ne savais pas si je devais m’en satisfaire. Les rumeurs, les idées nous ont conduit à cette fin. Faut-il vraiment croire à ce dénouement ?

Mais ne voyez pas ce doute comme une déception de ma part. Bien au contraire : j’ai adoré avoir cette réflexion à la fin de ma lecture. La remise en question par rapport à ce qu’on sait, par rapport à ce qu’on croit, par rapport à ce qu’on nous a dit.
J’ai trouvé l’écriture et la façon dont l’autrice mène son récit passionnante. Ça se lit – ou plutôt s’écoute dans mon cas – comme une histoire que l’on vit de l’intérieur. J’ai vraiment eu l’impression d’être invitée à me faire ma propre opinion sur tout ça. Sur les gardiens comme sur leurs femmes, sur les rumeurs comme sur les faits telles qu’on nous les présente.

Dans la version Audiolib, j’ai trouvé pertinent le choix d’utiliser deux voix narratives : Guillaume Orsat pour les parties qui racontent les gardiens du phare et les actions sur place et Christine Braconnier pour les parties confessions/interview des veuves. Cela donne du rythme et du corps à la temporalité du récit. Les deux parties se passant à vingt ans d’intervalles, l’autrice a choisi de jouer sur la syntaxe et la construction narrative, et la version Audiolib a pu y ajouter une dimension sonore pour différencier encore ces deux époques.

en bref

 

 
Un roman intrigant, mystérieux qui m’a captivée de la première à la dernière minute! Mon classement pour le prix Audiolib se complexifie d’écoute en écoute !!
 
Phare de East Maidens
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Merci aux éditions Audiolib et à Netgalley pour cette écoute.

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