
J’ai poussé un long cri,
très long,
un cri terrible qui n’en finissait plus de jaillir de ma gorge,
de monter de mon ventre,
de naître de ma peur,
un cri qui charriait la douleur,
la terreur et l’incompréhension,
un cri d’impuissance aussi,
comme un appel au secours,
comme quelque chose qui se casse et qui ne pourra pas se réparer.
Dans la forêt de Hokkaido est un court roman prenant et que je n’ai pas pu lâcher avant d’en connaître le dénouement. Eric Pessan développe à partir d’un faits divers, une histoire sombre, une atmosphère oppressante et angoissante.
« Je n’aime pas les faits divers, ils sont souvent de simples anecdotes qui détournent notre attention de l’essentiel. Celui-ci pourtant m’a hanté, et je n’ai pas eu d’autres solutions que d’en faire une fiction. »
Julie est une jeune adolescente sensible et intuitive. Elle a un don naturel pour retrouver les choses. alors quand elle se met à faire de drôle de rêve, elle sait d’instinct que ce n’est pas une simple illusion. Elle rêve qu’elle est un petit garçon est perdu au cœur d’une forêt japonaise. Des mots lui viennent. Un nom de lieu. Elle ne parle pas japonais mais pourtant. D’instinct, elle sait qu’elle doit lui venir en aide quand elle est en phase de sommeil. elle le guide dans sa survie, l’aide à trouver un abri, à boire. Elle interagit avec lui. Elle apprend à la télé qu’un petit japonais a été abandonné volontairement par ses parents pour le punir… mais qu’on ne le retrouve pas. Le petit garçon de ses rêves, ça ne peut être que lui. Elle va alors multiplier ses efforts pour l’aider. Dans le même temps, elle développe des symptômes d’épuisement. Elle a de la fièvre. Montre des signes d’hypothermie. Sa famille s’inquiète. Elle garde le secret. Même si elle ne doute pas de ce qui lui arrive elle ne sait pas à qui se confier.
L’intrigue oscille entre rêve et réalité. La frontière est mince. Une sensation de trouble s’installe. Le lecteur est plongé dans cette atmosphère pesante, sombre. L’écriture de l’auteur est travaillée par des jeux stylistiques ainsi que des jeux calligraphiques. Ainsi pour matérialiser le passage d’une réalité à l’autre, de Julie à ce petit garçon, il utilise l’italique. Au niveau linguistique, l’auteur prend des libertés avec les « je » et les « il ». Le « je » de Julie, le « il » du garçon égaré, se fondent, se confondent et deviennent un « nous », consolateur, solidaire et rassurant. J’ai vraiment apprécié cette façon de traiter le récit, de fondre les deux histoires en une seule. Cette intrusion du fantastique dans un fait divers réel donne une réécriture, un autre regard sur cette situation. Ce fait divers vous en avait certainement entendu parlé car il a fait la une jusque chez nous au printemps 2016. Cependant, l’auteur ne s’arrête pas à ce fait divers qui aurait suffit pour en faire un roman. Il a voulu ancrer encore plus ce roman dans l’actualité, dans notre quotidien. Ainsi, en parallèle, il évoque la situation des réfugiés en Europe et en France, et le développe dans ce récit notamment par le rôle du père de Julie. Et je trouve que cette double intrigue colle parfaitement avec la petite citation que je vous ai mis au début de cette chronique, citation tirée de l’interview présente en fin de roman que je vous invite à lire aussi.
J’ai eu un coup de cœur pour ce roman, pour al façon dont il est traité et écrit. je me suis retrouvée dans cette ambiance où j’ai ressenti la tension monter crescendo, l’urgence de la situation, les émotions de la jeune fille. J’ai senti ma gorge se nouait.
Un roman prenant, oppressant, reflet d’une réalité inquiétante.
Coup de cœur partagé, un sacré roman !
Pingback: [Challenge jeunesse / young adult #7] Bilan 3 – Muti et ses livres