Ohio
Titre original : Ohio
Auteur : Stephen Markley
trad. de l’américain par Charles Recoursé
536 p.
Albin Michel, 2020 (Terres d’Amérique)
Par un fébrile soir d’été, quatre anciens camarades de lycée désormais trentenaires se trouvent par hasard réunis à New Canaan, la petite ville de l’Ohio où ils ont grandi.
Bill Ashcraft, ancien activiste humanitaire devenu toxicomane, doit y livrer un mystérieux paquet. Stacey Moore a accepté de rencontrer la mère de son ex-petite amie disparue et veut en profiter pour régler ses comptes avec son frère, qui n’a jamais accepté son homosexualité.
Dan Eaton s’apprête à retrouver son amour de jeunesse, mais le jeune vétéran, qui a perdu un œil en Irak, peine à se raccrocher à la vie. Tina Ross, elle, a décidé de se venger d’un garçon qui n’a jamais cessé de hanter son esprit.
Tous incarnent cette jeunesse meurtrie et désabusée qui, depuis le drame du 11-Septembre, n’a connu que la guerre, la récession, la montée du populisme et l’échec du rêve américain. Chacune et chacun d’entre eux est déterminé à atteindre le but qu’il s’est fixé.
À la manière d’un roman noir, cette fresque sociale et politique hyperréaliste s’impose comme le grand livre de l’Amérique déboussolée et marque l’entrée en littérature de Stephen Markley.


C’est l’été et quatre anciens camarades du lycée vont se recroiser dans leur ville d’origine. Ce n’était pas prévu et encore moins voulu. Désormais trentenaire, on les découvre déjà usés par la vie, blessés, désabusés. Ils font partie de la génération post 11-Septembre, une génération américaine qui n’a connu que les successions de conflits, de crises économiques, politiques et sociales, d’une restriction des libertés… un rêve américain qui s’effrite peu à peu…
Ce que je veux dire, c’est que l’art ne sert plus à compiler la vie, et c’est peut-être pour ça qu’il ne fonctionne plus. La vie elle-même est devenue l’ultime ressource disponible, exploitable. On est prêts à tout. Raser des montagnes entières, anéantir des espèces, déplacer des fleuves, brûler des forêts, modifier le pH de l’eau, nous couvrir de produits chimiques toxiques. Il a fallu deux millions d’années à notre espèce pour se mettre debout et seulement cinq cent générations pour tout le reste. Notre culture repose sur notre droit à l’abondance, et sur pas grand-chose d’autre. Et nous avons mis notre droit de naissance en danger parce que nous sommes incapables de nous contrôler. De contrôler notre désir.
C’est marrant, se dit-il en repliant la photo, on peut prendre n’importe quelle photo de bal de lycée de n’importe quelle ville ou banlieue moderne d’Amérique, on aura toujours l’impression qu’elle sort d’une banque d’images, que c’est la photo fournie avec le cadre, partout les mêmes ados qui font les mêmes conneries d’ados en espérant que ça ne s’arrêtera jamais parce que la suite est un grand saut dans l’inconnu.
Alternant passé et présent, l’auteur tisse les liens entre les événements de l’Histoire récente et la réalité de ses personnages, explorant leur noirceur, leur rancœur, leur désillusion…

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J’ai adoré ! Un premier roman réussi de bout en bout !
j’ai adoré la lecture. comme tu dis, c’est un roman noir social qui dépeint avec justesse les désillusions