Prix Audiolib/Roman

La Soustraction des possibles de Joseph Incardona

La Soustraction des possibles

Auteur : Joseph Incardona

Lu par Damien Witecka

12h07

Audiolib, 2020
editions Finitude, 2020

 

résumé On est à la fin des années 80, la période bénie des winners. Le capitalisme et ses champions, les Golden Boys de la finance, ont gagné : le bloc de l’Est explose, les flux d’argent sont mondialisés. Tout devient marchandise, les corps, les femmes, les privilèges, le bonheur même. Un monde nouveau s’invente, on parle d’algorithmes et d’OGM.
À Genève, Svetlana, une jeune financière prometteuse, rencontre Aldo, un prof de tennis vaguement gigolo. Ils s’aiment mais veulent plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de reconnaissance. Leur chance, ce pourrait être ces fortunes en transit. Il suffit d’être assez malin pour se servir. Mais en amour comme en matière d’argent, il y a toujours plus avide et plus féroce que soi.
De la Suisse au Mexique, en passant par la Corse, Joseph Incardona brosse une fresque ambitieuse, à la mécanique aussi brillante qu’implacable.

Pour le monde de la finance, l’amour n’a jamais été une valeur refuge.

 

 

cequejenaipenséJe ne sais pas si c’est à cause du titre ou de la couverture mais je ne m’attendais pas à ce que j’ai lu. Et pourtant les deux conviennent bien à l’intrigue que nous sert Joseph Incardona, dont je ne connaissais pas encore la plume.
Nous sommes à la fin des années 80, dans un monde où les rois de la finance voient s’ouvrir les possibilités des richesses de l’Europe de l’Est. Un nouveau monde de flux financier est en train de naître et certains vont en profiter pour se remplir les poches, et les comptes en banque…
Tu sais quoi, René? J’ai décidé que ma seule patrie, le seul drapeau auquel faire allégeance est le pognon. Et quand il y a le pognon, on est tous copains, on n’est pas raciste ni rien. Il n’y a jamais de problèmes dans les hôtels cinq étoiles, jamais. T’as remarqué?
Aldo, jeune prof de tennis mais aussi gigolo pour améliorer son quotidien, va s’approcher dangereusement de se milieu en devenant l’amant de la femme d’un de ces financiers à la dent longue. Mais son rôle va très vite évoluer dans un premier temps en « montant en grade » dans les magouilles de son amante et surtout de celle de son mari, puis quand il rencontrera Svetlana, une autre financière dont il tombe amoureux. Leur appétit de richesses vont se nourrir mutuellement : ils veulent plus, toujours plus.
Qui sera le plus malin, le plus ingénieux dans les différentes escroqueries qui se mettent en place sous nos yeux.
J’avoue que l’univers financier est quelque chose d’assez obscure pour moi. C’est un sujet qui ne m’intéresse pas forcément surtout parce qu’il me paraît très complexe. Mais Joseph Incardona a réussi à me rendre le sujet abordable et compréhensible.
Dans cette fresque financière, il dresse un portrait assez acide de ses protagonistes peu scrupuleux et profiteurs. Il dresse une intrigue dense, avec du suspens et de l’action avec une mécanique ciselé, travaillée. Les personnages se croisent, se rencontrent, leurs intrigues aussi et l’ensemble finit par s’emboîter, par se compléter.
– Je me demande, réplique Svetlana, je me demande parfois quel est mon métier. Quel est exactement mon métier…
– Sa nature, vous voulez dire ? Je viens de vous l’expliquer : mentir et croire avec sincérité. La vie serait intolérable sans le mensonge. Notre système économique est construit là-dessus. La plupart des relations humaines également. Tout est fiction, tout est virtuel. L’argent, le cours de la monnaie, la bourse… Les sentiments aussi, d’une certaine façon… La religion, tenez, le plus gros mensonge qui soit… Tout repose sur la croyance et la confiance mutuelle. Vous me donnez cent francs et nous croyons, vous et moi, que ce billet vaut cent francs. Mais il ne vaut rien de plus que notre croyance.
Dans ses pages, on trouvera aussi beaucoup de cynisme envers ses personnages et donc envers le milieu où il les fait évoluer. Un portrait peu flatteur où l’obsession de l’argent prend le dessus, sur la morale, sur le respect de la vie humaine. Ces Golden boys en deviennent détestables. A cette intrigue financière s’ajoute une histoire d’amour un peu inattendue dans ce monde noir et hypocrite.
Le style et la forme adopté par l’auteur est assez original puisqu’il met son narrateur anonyme à contribution, comme s’il s’adressait directement à eux, et parfois aussi directement au lecteur : il souligne que c’est bien lui qui raconte l’histoire, et que c’est bien lui qui décide quand il doit raconter un fait ou un autre. Il tient les rênes du scénario et de ses révélations, c’est lui qui décide du sort des personnages. Tout comme les personnages de son histoire, il manipule, magouille à sa sauce, non pas avec de l’argent mais avec ses mots. Alors le narrateur critique ouvertement ses personnages, commente, fait pas mal de digressions qui m’ont un peu perdu parfois d’ailleurs.
La densité du roman, le foisonnement qu’on y retrouve et les très nombreuses scènes sensuelles m’ont fait perdre le fil par moment. Cependant, la voix de Damien Witecka (qui est entre autre la voix française de Leonardo Dicaprio, de Tobey Maguire, de Jared Leto…) qui prête sa voix dans la version Audiolib, a réussi à chaque fois à me ramener dans l’histoire. Il insuffle une vraie vie, une véritable dynamique à ce roman. Il joue avec sa voix en adoptant des tonalités différentes selon les personnages. Pour être honnête,  je pense d’ailleurs que c’est grâce à lui que je suis allée au bout de cette audiolecture. En version papier je ne sais pas si je serais allée jusqu’au bout, et je suis encore moins sûre que j’aurais apprécié ce roman alors que finalement je suis contente d’être allée jusqu’au bout.
Un thriller sociologique dans le milieu des Loups de la finance à la fin des années 80 : une lecture qui m’a fait sortir de mes habitudes.

2 réflexions sur “La Soustraction des possibles de Joseph Incardona

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