Prix Audiolib/Roman

Le Consentement de Vanessa Springora

Le Consentement

Autrice : Vanessa Springora

Lu par Guila Clara Kessous

3h53

Audiolib, 2020
Editions Grasset et Fasquelle, 2020

 

résumé Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.

 

 

cequejenaipensé Toujours un  peu réticente à découvrir un titre qui fait tant parler de lui avant même sa sortie. Surtout avec un sujet si intime, si délicat. Ainsi, une fois de plus, le Prix Audiolib m’a donné l’occasion de le lire (je ne suis pas sûre que je me serais décidée un jour à le lire sinon…).
Vous n’êtes sans doute pas passé à côté du sujet de ce roman : l’autrice, Vanessa Springora, témoigne de sa relation avec Gabriel Matzneff alors qu’elle était adolescente.
Nous sommes dans les années 80, V. (l’identité que prend l’autrice dans ce témoignage) vit avec sa mère, son père étant aux abonnés absents. Elle comble sa solitude et ses questions en lisant. Lors d’un dîner, elle fait la connaissance de G. Un écrivain déjà célèbre mais dont elle ignore la réputation. Elle tombe sous le charme de cet homme charismatique, séduisant. Ils vont se rapprocher et une idylle va naître entre eux. La jeune fille reçoit l’attention dont elle avait besoin à ce moment là, et lui assouvit ses fantasmes.
Pourquoi une adolescente de quatorze ans ne pourrait-elle aimer un monsieur de trente-six ans son aîné ? Cent fois, j’avais retourné cette question dans mon esprit. Sans voir qu’elle était mal posée, dès le départ. Ce n’est pas mon attirance à moi qu’il fallait interroger, mais la sienne.
Mais elle n’a que treize ans. La situation n’est pas saine, n’est pas normale. Et pourtant la majorité des adultes laisseront faire.
Quand j’annonce à ma mère que j’ai quitté G., elle reste d’abord sans voix, puis me lance : « Le pauvre, tu es sûre ? Il t’adore ! »
Cela n’a pas été une lecture facile par son thème. V. raconte, témoigne, s’ouvre, parle de ses émotions d’alors, de comment elle a vécu la situation avant, pendant, après… et l’impact que cela a eu sur sa vie, sur sa relation avec les autres, avec les hommes. De l’impact que cela a encore aujourd’hui dans son métier, l’édition. Car avec ce livre elle bouscule, elle dénonce ce milieu littéraire qui savait mais qui tolérait. Elle interroge sur la notion de consentement alors que les témoignages sur les harcèlements et les viols se multiplient, que la parole des femmes commencent à se libérer. Un témoignage qui prend encore plus de force avec le débat qu’il y a eu au Sénat fin janvier autour de la loi fixant le seuil d’âge de non-consentement à 13 ans.
Je me surprends maintenant à le haïr de m’enfermer dans cette fiction perpétuellement en train de s’écrire, livre après livre, et à travers laquelle il se donnera toujours le beau rôle ; un fantasme entièrement verrouillé par son ego, et qui sera bientôt porté sur la place publique. Je ne supporte plus qu’il ait fait de la dissimulation et du mensonge une religion, de son travail d’écrivain un alibi par lequel justifier son addiction.
Le lecteur pourra ressentir un certain malaise dans certaines scènes racontées par V. Mais il n’y a aucun voyeurisme de sa part. Il y a besoin cathartique, un besoin de mettre des mots, de comprendre aussi par elle-même le paradoxe entre ses agissements et ses sentiments, comme si elle avait besoin d’appréhender le contexte, la situation vu par le prisme de son regard d’autrice pour se comprendre et surtout pour avancer. Il y a beaucoup de pudeur dans ses mots, dans ce  qu’elle nous dévoile, dans la façon dont elle a pris conscience de la réalité de cette relation malsaine, petit à petit. Elle dénonce, elle donne sa définition du mot « consentement ».
Vanessa Springora est éditrice mais c’est la première fois qu’elle passe de l’autre côté. J’ai aimé la sincérité et la justesse de son écriture et je serais curieuse de la découvrir dans un univers totalement fictionnel.
Dans la version Audiolib, c’est l’actrice Guila Clara Kessous qui prête sa voix douce, toute en sensibilité aux mots de Vanessa Springora. Un choix judicieux pour ce témoignage sincère et émouvant. En bonus de ce support audio, un entretien d’une vingtaine de minutes avec l’autrice, un entretien qui complète bien l’audiolecture et le contenu de ce récit.
Un témoignage délicat, émouvant et essentiel.

Une réflexion sur “Le Consentement de Vanessa Springora

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