» Voilà, je me présente : Romain Piveteau, 42 ans, Niçois d’origine qui-a-gardé-des-O-un-peu-ouverts, restaurateur sympa, père solo qui-fait-ce-qu’il-peut, ex drôle. Ça tient en peu de mots. Il n’y a pas de quoi charmer une comédienne aux allures de déesse romaine.
Quand j’y pense… Alba, déesse romaine… ça aurait pu être un signe pour un Romain comme moi… Il paraît que les couples se fondent toujours sur une espèce de légende originelle… «
Le cœur a ses raisons qu’on aimerait parfois ignorer
Dans un bus, Romain rencontre Alba. Transporté par le charme éclatant de cette inconnue, il ne résiste pas à l’irrépressible envie de la revoir. Mais osera-t-il faire le premier pas ? Et surtout : a-t-il seulement droit à cette histoire ?
Après Le Sourire des fées et L’Ivresse des libellules, je retrouve l’univers de Laure Manel avec son dernier roman Le Craquant de la Nougatine. Et comme pour les précédents, je l’ai découvert dans sa version audio. Et quel plaisir. Je n’ai pas vu passer les 8h d’écoute emportée par les voix d’Audrey Botbol (qui avait aussi signé la version audio de L’Ivresse des libellules) et de Thomas Séraphine. Et je crois bien que ce petit dernier devient mon préféré de l’autrice !
Roman est un papa solo de deux enfants énergiques. Il est restaurateur. A une vie bien remplie. Mais quand, un jour, son regard croise celui d’une mystérieuse jeune femme, l’obsession de la revoir nait en lui. Qui est cette belle jeune femme? Après quelques recherches, plus ou moins discrètes, il découvre qui elle est. Elle s’appelle Alba. C’est une actrice. Théâtre, voix off de publicité, livres audios. Il est envoûté par sa voix. Alors il fait quelque chose qu’il n’aurait jamais pensé faire un jour. Il lui envoie un mail. Un acte complètement fou. Et il espère qu’elle ne le prendra pas comme un de ces pervers…
Alba est surprise à la réception de ce mail mais plus curieuse qu’effrayée. Comme il lui a donné son nom. Elle aussi fera des recherches de son côté. Et ira dans son restaurant.
La rencontre a enfin lieu. On les sent intimidés, curieux, amusés par la situation. Et on voit une étincelle briller entre eux.
Lorsque j’ai rencontré Alba, j’ai pris un rayon de soleil dans la tronche. Le premier sur mon visage blafard à faire peur depuis trop longtemps. Éblouissement, vitamine D… et l’envie de rester au soleil.
Le lecteur assiste alors à la naissance de leur histoire. La découverte de l’autre, les moments partagés. Mais une ombre plane entre eux. Alba, qui a été élevée dans la méfiance de l’homme, sent que Romain lui cache quelque chose. Elle est sûre de ses sentiments. Là n’est pas le problème. Il est sincère avec elle. Mais le fait de ne pas en parler à son entourage, de vouloir garder cette histoire secrète. La confiance commence à se fissurer…
La confiance est le fil conducteur de ce roman. C’est ce qui, selon l’autrice, est le socle d’un couple. Et quand la confiance se fragilise, le couple commence à vaciller. Elle joue sur cette fragilité avec ses deux héros.
Je me suis énormément attachée à ces deux-là et j’ai eu mal à l’idée de les quitter. J’aurai apprécié de passer encore un peu de temps à leurs côtés, de les accompagner dans la suite de leur histoire. Romain est un homme courageux et mystérieux certes. Mais il a une bonne raison. Comme le dit un des personnages « un jour, tu comprendras pourquoi il a fait ça ». Il y a une énorme par d’acceptation et de culpabilité dans sa façon d’être avec Alba mais surtout avec lui-même. Personnellement, j’ai compris sa réaction, celle d’Alba aussi. Mais je n’ai pas réussi à lui en vouloir car il est difficile de se mettre à sa place.
Ce qui doit arriver arrive. Parfois, dans les ratés de la vie, les coups durs, on ne décode pas le message, on ne donne pas de sens. Et puis un jour, avec le recul, on parvient à voir un peu de lumière dans le noir, on sait pourquoi on devait traverser cette épreuve, on apprend, on grandit. Il y a toujours quelque chose à en retirer. Ce sont aussi les expériences, toutes nos expériences qui nous façonnent et finalement nous aident… au moins à y voir plus clair, en nous, en les autres, en l’existence.
Alba aussi est un très beau personnage. Elle est vivifiante et j’ai particulièrement apprécié l’incarnation qu’en a fait Audrey Botbol. Alba est passionnée, très maladroite, entière. Elle a un métier original et qui prend toute sa saveur dans la version audio puisqu’elle est actrice et s’est spécialisée dans tout ce qui est voix off : voix des pubs, doublage et enregistrement de livres audio ! J’ai aimé en apprendre un peu plus sur ce métier différente mais si complet et enrichissant. D’ailleurs, dans l’entretien avec l’autrice disponible dans la version Audiolib, Laure Manel explique comment lui est venue cette idée et tout le travail de recherche mis en place. J’aime beaucoup ces entretiens qui apportent un complément de lectures au roman que l’on vient tout juste d’écouter.
J’ai aimé la façon qu’a Alba de voir la vie. Sa façon d’être. Son énergie. Sa bienveillance.
L’autrice, en alternant, les points de vue dans des chapitres souvent courts donne un rythme rapide à son histoire tout en développant la personnalité et les poins de vue de chacun. Dans un certains sens, cette construction m’a fait pensé au roman de Katarina Mazetti, Le Mec de la tombe d’à côté. En effet, en adoptant ces deux points de vue, on se rend compte que ce que dit ou fait un personnage et la façon dont on le perçoit peut être faussé car nous n’avons pas forcément tous les éléments pour bien comprendre tel geste, tel propos.
Une lecture touchante et vivante. Des personnages très attachants portés par l’écriture facétieuses et tendres de Laure Manel. Superbes interprétations des deux acteurs, Audrey Botbol et Thomas Séraphine, dans cette version Audiolib.