Et dans nos cœurs, un incendie
Autrice : Elodie Chan
217 p.

Densité noire des confins de l’espace. Tristan flotte dans un champ gravitationnel infini. La poussière d’ouate qui nimbe le cosmos enrobe sa peau comme une combinaison d’astronaute. Son corps fourmille et dérive mollement à travers des déserts glacés, indifférent aux ténèbres qui lui frôlent parfois les orteils.
Au loin, des phares de lune percent la nuit où il se dissout.
Il approche.
Stop.
Un premier roman troublant, brûlant, acide sur le mal-être de l’adolescence.
Elodie Chan est une contorsionniste littéraire. Contorsionniste de métier, elle exerce aussi bien à l’opéra que dans le monde circassien. Quand elle ne s’entraîne pas ou n’est pas en spectacle, elle écrit, elle tord les phrases, les mots pour en faire ressortir leur essence, leur puissance. Elle joue avec la souplesse de la langue. Et dans nos cours, un incendie est son premier roman( et sûrement pas son dernier!).
Elle rentre dans le vif du sujet dès la rencontre des deux protagonistes, deux ados en crise, en pleine désillusion de la vie. On les découvre sur un fil tendu, prêt à basculer.
D’un côté on a Isadora, en colère contre tout, et fascinée par le feu. Lui, c’est Tristan. Il est effacé, discret. A tel point qu’il rêve de disparaître. Il se rencontre le jour de la rentrée. Elle est en train de mettre le feu dans les toilettes, lui en train de mettre fin à ses jours en se pendant. Une rencontre inattendue, désespérée. Leur douleur et leur mal-être va se répondre, se faire écho. Deux êtres opposés dans leur caractère, une en fusion constante l’autre en discrétion. Bizarrement, la douleur de l’un va apaiser celle de l’autre, la souffrance de l’autre va éteindre la colère de l’un.
– Toi, t’es pas anormal, t’es différent. T’as une sorte de particularité unique, un signe distinctif. Comme moi. Et c’est pas une raison pour se foutre en l’air. C’est même plutôt quelque chose de précieux.
Tristan sent une secousse dans tout son corps, au plus profond, comme si Isadora ébranlait ses fondations.
Au fil des pages, on ressent en plein cœur les émotions de l’un et de l’autre. L’autrice avec poésie et précision dissèque leurs sentiments, leurs comportements, leur rapprochement.
Ils se percutent, leur rencontre crée un séisme à leur échelle.
Le roman est court mais incisif, puissant, douloureux. Il réveille, questionne sur les émotions à fleur de peau des ados. Il remue, interpelle sur des thématiques variées : famille, amitié, amour, harcèlement, dépression…

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