Roman

Hors des murs de Laurie Cohen

couv66313722Hors des murs

Autrice : Laurie Cohen

335 p.

Plon, 2022

résumé On pense toujours que ça nʼarrive quʼaux autres. Mais tout peut basculer en une fraction de seconde. Un jour cʼest le bonheur parfait et le lendemain tout sʼécroule. Marianne menait une vie tranquille avec son mari David, loin du bruit de la ville, dans la forêt. Aujourdʼhui, elle se retrouve menottée, dépossédée, enfermée. Elle clame son innocence mais personne ne lʼécoute. Criminelle aux yeux de tous. Dans cette prison, elle attend son jugement, celui qui scellera son destin.

Alors que le procès tarde à arriver, le médecin lui annonce qu’elle est enceinte. Marianne doit décider : interrompre sa grossesse ou mettre au monde en prison le bébé de celui quʼelle aimait et qui nʼest plus. Les âmes tourmentées quʼelle rencontrera entre ces murs et au-delà lʼaideront à tenir… mais jusquʼà quand ?

çacommencepar Quand j’ai traversé la cour de la maison d’arrêt, j’ai guetté le ciel. Ce trou de bleu entre les murs de pierre. Les barbelés tordus. Le silence. Le vent. Une brise légère qui faisait clapoter les tee-shirts suspendus à quelques fenêtres brisées. Les silhouettes perdues, derrière les barreaux, qui déambulaient, me dévisageaient. Un matin de mai. Le soleil sur mes joues. Comme pour la dernière fois.

 

Laurie Cohen nous livre ici un premier roman poignant, difficile au cœur d’une prison pour femmes.

On aimerait abattre les murs autour pour dégager l’horizon.

En quelques minutes, tout s’est effondré pour Marianne. Elle vivait loin de la ville, dans la tranquillité de la forêt, avec son mari David. Et du jour au lendemain, elle se retrouve incarcérée. Pourquoi ? Comment ? elle perd tous ses repères. Elle clame son innocence. Mais personne ne l’écoute. Elle doit rester là, enfermée, à attendre son jugement. Et ce sera long… A peine arrivée, on lui apprend qu’elle est enceinte. Choc sur choc… Elle décide de garder ce bébé, son dernier lien avec son mari, avec la liberté, avec un semblant de vie normale. Alors on apprend à ivre à ses côtés, au rythme de la vie carcérale. Ses échanges avec les autres détenues, avec le personnel. Découvrir cette vie. L’appréhender. Faire avec parce qu’elle n’a pas le choix. Attendre. Espérer.
Le lecteur se met au diapason de cette vie entre parenthèse, comme au ralenti. Par les yeux de Marianne, il apprend, observe, réagit. Comme elle est enceinte, elle sera placer dans une unité spéciale dans l’attente de la naissance, puis pour les premiers mois du bébé avant la séparation inévitable.

Là, tout de suite, j’ai peur. J’ignore tout de lui. Ou d’elle. Ce qu’il est. Ce qu’il va devenir. Et, en fait, je n’y crois pas vraiment. Ce n’est pas possible. Il faut que je le voie. Est-ce que je peux être mère ? Être à la hauteur ? Quelle vie pourrais-je lui offrir ? Dehors, il n’y a personne pour l’accueillir.
Est-ce qu’il aurait voulu le garder ? Le garder, l’aimer, l’instruire.

Le temps passe. C’est long. On souffre pour cette jeune femme. On ne sait pas pourquoi elle est là. On le saura tardivement car même si c’est un véritable drame qu’elle est en train de vivre, l’objet du roman est surtout le quotidien dans une prison pour femmes. En particularité, la maternité dans un milieu difficile. Ses conséquences psychologiques pour la mère et l’enfant. On oscille entre un sentiment de déshumanisation, de privation de liberté et un sentiment de profonde injustice. Cette irruption de la maternité dans un quotidien triste permet à Marianne de vivre une parenthèse dans cette nouvelle vie qu’on lui impose. Une parenthèse douce, tendre, colorée. Mais à double tranche car la séparation avec son enfant est inéluctable, et que cette rupture s’annonce alors d’autant plus rude à vivre. Mais l’amour maternel sera aussi un moteur pour elle pour survivre à tout ça.

Parfois, on rêve de retourner en cellule, pour s’isoler, et rêver. Ne plus se confronter au regard, à la vie des autres, à l’image des murs immenses et des barbelés. La cellule devient une échappatoire.

L’autrice a opté par une narration assez brute et rapide, une mise en page très aérée comme en contradiction avec l’idée même de la prison. Un reflet d’un besoin vital de respirer, de s’échapper d’un quotidien morne. Mais aussi une façon d’aborder une chronologie sans vague, un temps qui passe à un rythme calculé, sans surprise et forcément morose. Le temps narratif file au rythme des ellipses de la narratrice : des mois qui s’effacent sans événements marquants. Toujours dans cette idée d’attente…

A noter : il s’agit ici du premier roman adulte de Laurie Cohen mais elle a déjà écrit de très nombreux albums pour la jeunesse (A la campagne, Le Souffle de l’océan, Mizu et Yoko,…)

en bref Ce roman est dur, brut, sincère. Laurie Cohen nous propose une histoire aux émotions justes et fortes. A découvrir.

Un petit mot ?