Catherine est pauvre. Catherine fait sale. Catherine parle peu. Elle n’aime pas qu’on la regarde – les filles qu’on regarde ont des problèmes. Au Domaine où elle travaille, elle fait partie de ces invisibles grâce à qui la ferme tourne.
Monsieur, lui, est riche. Il ne parle pas non plus – il crache ou il tonne. Et il possède tout.
Mais quand sa petite-fille de quatre ans disparaît ce jour glacé de février 1969, Monsieur perd quelque chose d’une valeur inestimable.
Dans cette vallée de champs de betterave, où chaque homme et chaque femme est employé de près ou de loin par Monsieur, deux flics parisiens débarquent alors pour mener l’enquête avec les gendarmes.
Car une demande de rançon tombe. Mais le village entier semble englué dans le silence et les non-dits. Personne ne veut d’ennuis avec Monsieur. À commencer par Catherine. Catherine qui se fait plus discrète et plus invisible encore. Catherine qui est la dernière à avoir vu la petite.

Louise Mey est la reine pour planter un décor, une ambiance bien sombre, bien glauque.

Nous sommes à la fin des années 60 dans une ferme dans le Nord de la France. On image sans peine un lieu terne, noueux, brumeux. Une atmosphère parfaite pour qu’un drame se produise.

Catherine travaille à la ferme. On ne la voit pas. On la remarque à peine. Elle est pauvre. Petite et Sale. C’est comme ça qu’on parle d’elle. C’est comme ça qu’elle se voit. Elle frôle les murs. S’occupe des basses besognes. A la cuisine. Au service.

Le maître du lieu ordonne, aboie, dirige sa maisonnée à l’ancienne. Ses gens travaillent durs. C’est lui qui fait vivre la plupart des familles de la région. Il a tout.

Mais un jour, Sylvie disparaît. Sa petite-fille.

La dernière a l’avoir vu est Catherine.

Les gendarmes locaux épaulés par deux flics parisiens vont être chargés de l’affaire. Mais les deux parisiens découvrent une région et une façon de vie à l’opposé de la leur. Le maître des lieux est antipathiques au possible et il entend là aussi diriger. Il veut décider qui va leur parler… Ils vont devoir creuser, observer et comprendre la mentalité du lieu pour mettre en place les pièces du puzzle. Pas facile d’enquêter quand personne ne veut parler de peur de s’attirer le courroux du patron.

Le lecteur se retrouve, à l’instar des personnages, englué dans ce tableau du monde rural noir, où règne encore une servitude d’une autre époque.

L’intrigue que construit sous nos yeux Louise Mey est soignée, complexe. Sans cris ni violence, l’autrice nous tient en haleine. Que s’est-il passé? Qui est derrière cette disparition ? Histoire de vengeance ? d’argent ? de jalousie ?  de revendication ?
Au delà d’une enquête (extrêmement bien menée), l’autrice esquisse le portrait d’une société en mutation, en dénonçant le patriarcat, la place de la femme et un système de caste sociale vieillissant mais malheureusement ancré dans le monde rural de cette fin des années 60 (malgré la grogne sociale de Mai 68).

Le duo d’enquêteurs parisiens est très attachant. Deux générations différentes. Deux façons de faire. Deux mentalités. Mais ils sauront se montrer soudés, malgré quelques divergences, et complémentaires.

Très différent de La Deuxième femme ou encore d’Embruns par l’intrigue, Petite Sale a en commun avec ces deux autres romans une ambiance soignée aux petits oignons. Le lecteur est plongée dans une atmosphère si particulière qu’elle en devient un personnage à part entière.

Pour Audiolib, c’est Marie du Bled qui orchestre. Une voix que j’avais adoré dans Là où chantent les écrevisses de Delia Owens. Ici, elle s’adapte à merveille à l’ambiance. Une voix volontairement froide et sans fioriture qui ajoute à l’ambiance pesante. Elle apporte une touche supplémentaire au tableau voulu par Louise Mey. Encore une fois, une adaptation réussie et en totale logique vis à vis des mots de l’autrice.

Un roman noir à ambiance. Glauque, pesant, intrigant.