Pocket, 2020


Horreur, intense, complexe, page-turners… ce serait plutôt ces mots qui qualifieraient mieux mon expérience de lecture. Le roman prend aux tripes, retourne. Préparez-vous à ressentir un vrai dégoût pour une partie des personnages qui ont très peu d’humanité en eux…
La plus grande des peurs est peut-être celle de remettre en cause nos croyances.
Céline Denjean dont j’ai ici découvert la plume m’a évidemment donné envie de lire le roman qui se place chronologiquement avant celui-ci, La fille de Kali, affaire plusieurs fois évoquées au court du récit et qui a pour dénominateur commun une des équipes d’enquêteurs dans ce thriller.
Trois récits s’entrecroisent. Nous savons, nous lecteurs, que forcément il y a un lien entre toutes. Pour deux d’entre elles le lien se fait facilement, pour la troisième on se demande quand et comment le fil narratif va enfin se croiser.
Louis Barthes est un notaire à la retraite. Alors qu’il classe les papiers de son père récemment décédé il découvre un acte de décès. le sien. A l’âge de trois jours. Ébranlé par cette découverte, il veut comprendre, savoir qui il est vraiment, pourquoi ses parents ne lui ont jamais rien dit. Il va alors partir en quête de son passé et de son identité à travers la France.
Bruno, jeune ado, est entraîné par son frère et des amis dans une randonnée. Mais c’est l’accident : il chute dans le torrent.
A Nîmes, une jeune femme est retrouvée morte en pleine nature. Habillée de façon grossière, avec une seule sandale rudimentaire, elle est recouverte de plaie et semble avoir parcouru une longue distance dans la nature à fuir une menace. L’autopsie révèlera des soins dentaires qui ne sont plus utilisés depuis des dizaines d’années, ce qui ne correspond pas à l’âge de la victime. Pas d’identité. Pas d’avis de recherche correspondant. Qui est-elle? Un agent d’Interpol contacte la section de recherche en charge de l’affaire. Il semblerait que ce meurtre soit lié à d’autres, … à beaucoup d’autres…
Cela étant, le garçon avait touché du doigt certaines réalités : la pensée, le sens critique et déductif, la capacité à développer une vue d’ensemble à partir de certains éléments, la logique d’une construction historique… toute cette démarche ‘était pas si naturelle que ça. Lui qui n’avait jamais rencontré la moindre difficulté à l’école mesurait désormais l’impact colossal du défaut d’enseignement. L’absence des savoirs rudimentaires, comme la lecture et l’écriture, le non-accès à la culture – chansons, textes, peintures, films, informations et tutti quanti – rendaient très difficile le développement d’une pensée autonome. finalement, pensée était un combat qui supposait la possession de certaines armes !
Dans ce roman, l’autrice évoque la grande Histoire, se sert de la peur que l’être humain peut ressentir pour en faire l’objet d’une manipulation à grande échelle. Ce qu’on découvre au fil des pages, nous serre la gorge, nous révolte car même si tout ici n’est que fiction il y a aussi une part de réalité, un auteur s’inspire, se nourrit toujours d’une part de réalisme. Et c’est sans doute ça qui fait peur dans cette lecture car on se dit que c’est malheureusement tellement plausible. J’ai aimé sa façon de tisser son récit, de mêler les différents points de vue et lieux de l’action afin de donner à son lectorat un maximum de clé pour comprendre ce qu’il se trame. C’est une façon aussi de nous attacher intensément aux différents protagonistes. L’autrice change, selon les personnes et les moments invoqués, de narrateur : elle utilise aussi bien la troisième personne du singulier que le « tu » plus intrusif, plus perturbateur car impliquant encore plus le lecteur dans les émotions et les angoisses du personnage.
Un vent d’adrénaline soufflait désormais sur cette sordide enquête. La fin approchait… Restait juste à savoir laquelle…
Je ne peux pas vous dire ce qui se cache sous ce titre du Cheptel, je préfère vous laisser le découvrir… mais je pense que c’est sans doute pire que ce que vous avez en tête.
Ce roman est d’une incroyable intensité, dur, intelligent, complexe, riche, prenant. Bref, c’est un véritable coup de cœur en ce qui me concerne.
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