Nickel Boys
Titre original : The Nickel Boys
Auteur : Colson Whitehead
trad. de l’américain par Charles Recoursé
Lu par Stéphane Boucher
258 p. / 6h59
Audiolib, 2020
Albin Michel, 2020
Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à cœur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ». Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.
Même morts,les garçons étaient un problème.
Le cimetière clandestin se trouvait dans la partie nord du campus de Nickel, sur un demi-hectare de mauvaises herbes entre l’ancienne grange et la déchetterie de l’école.

Il s’agit ici d’une relecture pour moi puisque j’ai lu ce roman en version papier en septembre dernier. Tout comme pour le précédent roman de Colson Whitehead qui avait été dans la sélection du prix Audiolib 2018, j’ai donc eu la chance de redécouvrir ce texte une nouvelle fois par le biais de la voix de l’acteur Stéphane Boucher. Et tout comme en 2018, je m’étais dit que j’écouterais seulement quelques pistes histoire de pouvoir émettre un avis sur la lecture audio. Mais, comme en 2018, la symbiose du texte fort de l’auteur et de la version audio, m’ont fait oublié mes premières intentions. Je me suis laissé embarqué une nouvelle fois dans cette histoire terrible inspiré de fais réels de l’histoire de maisons de corrections américaines. Une nouvelle fois, j’ai ressenti révolte, colère et tristesse. Et même en connaissant le rebondissement final, j’ai apprécié de redécouvrir ce texte.
Stéphane Boucher que vous connaissez sans doute par ses rôles au cinéma , à la télé ou au théâtre prête donc sa voix à ce texte profond. J’avais déjà pu apprécier sa lecture avec
Le jour d’avant de Sorj Chalandon (Audiolib, 2017). Il apporte un regard, une dimension sensible au témoignage du jeune Elwood tout en gardant la distance voulu par l’auteur. Une belle interprétation.
En ce qui concerne mon avis sur le roman en lui-même je vous invite à relire ma chronique parue il y a quelques mois que je vous remets ici :
Underground Railroad est un roman qui m’a énormément marqué (et que je vous invite à aller lire dès que possible si ce n’est pas encore le cas). C’est un roman abordant la condition des noirs d’Amérique au temps de l’esclavage. L’auteur, Colson Whitehead, continue son combat contre le racisme et la violence américaine.
Ce nouveau roman a obtenu le Prix Pulitzer. C’est le second de l’auteur, un exploit dans le monde de la littérature américaine (tout comme John Updike, de William Faulkner et de Booth Tarkington, les seuls trois autres auteurs a avoir eu cette distinction deux fois).
Pour ce nouveau roman, l’auteur s’est appuyé sur l’histoire d’une école de correction qui a existé et qui a fait connaître les pires sévices à ses « pensionnaires ».
Le roman se passe en trois temps : avant, pendant, après.
Fuir était une folie, ne pas fuir aussi. En regardant ce qui s’étendait à l’extérieur de l’école, en voyant ce monde libre et vivant, comment ne pas songer à courir vers la liberté ? À écrire soi-même son histoire, pour changer. S’interdire de penser à la fuite, ne serait-ce que pour un instant volatil, c’était assassiner sa propre humanité.
Avant, Elwood est un jeune garçon bosseur, sérieux, appliqué, nourri par les discours du révérend Martin Luther King. Dans la première partie, on apprend à le connaître, à se positionner dans le contexte social de l’époque. Et puis, il y a l’élément déclencheur : alors qu’il part rejoindre l’école supérieure pour lequel il a obtenu une bourse, il monte dans la mauvaise voiture. Le conducteur est arrêté car il transporte quelque chose qu’il ne devrait pas. Elwood était là, il est noir donc il est forcément dans le coup… Au lieu d’aller dans cette prestigieuse école, il se retrouve à la Nickel Academy, une maison de correction dur, violente et il va l’apprendre à ses dépends. Les délinquants blancs et noirs ne sont pas traités de la même façon…
Dans la seconde partie, on découvre ce lieu abject, violent, injuste. Et pour la dernière partie, je vous la laisse découvrir pour ne point trop en dire!!
Ils éclatèrent de rire car ils savaient que l’épicerie ne servait pas les clients noirs, et parfois le rire réussissait à faire tomber quelques briques du mur de la ségrégation, si haut et si large.
Le roman est dur, il prend à la gorge, aux tripes. Et même s’il se déroule dans les années 60, on ne peut que comprendre les répercussions, que ces lieux cauchemardesques et qui ont existé, ont pu avoir sur une partie de la population américaine. Les sévices, les conditions de vie, la peur, le manque de nourriture… les douleurs physiques et psychiques dont les « pensionnaires » ne pouvaient pas ressortir indemnes, si un jour ils en ressortaient en vie. Ces crimes sont connus, ont existé mais sont restés impunis…
La majorité des garçons qui connaissaient l’existence des anneaux dans les troncs sont morts aujourd’hui. Le fer, lui, est toujours là. Rouillé. Profond dans la pulpe des arbres. Il parle à qui veut l’écouter.
Il est difficile pour moi de trouver les mots exactes pour décrire les émotions que j’ai pu ressentir durant cette lecture : dégoût, colère, espoir, peur, tristesse… Cette violence décrite ici par l’auteur, est une violence de chaque instant dans les conditions de vie des noirs américains.
Ces mots, cette histoire m’ont bouleversée. La fin m’a perturbée, m’a ébranlée. J’ai retrouvé dans ce roman la puissance de l’écriture de Colson Whitehead, la puissance de son combat qui ajoute une pierre au mouvement #BlackLivesMatter.
Un roman éprouvant mais essentiel.
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