Roman historique

Underground Railroad de Colson Whitehead

Underground Railroad

Titre original : The Underground Railroad

Auteur : Colson Whitehead

trad. de l’américain par Serge Chauvin

397 p.
Albin Michel, 2017

 

résumé Cora, 16 ans, est une jeune esclave née sur une plantation de coton en Géorgie. Grâce à César, elle réussit à s’échapper. Leur première étape est la Caroline du Sud, dans une ville qui semble être le refuge idéal mais qui cache une terrible vérité. Il leur faut fuir à nouveau, d’autant plus que Ridgeway, le chasseur d’esclaves, est à leurs trousses.

çacommencepar La première fois que Caesar proposa à Cora de s’enfuir vers le Nord, elle dit non.
C’était sa grand-mère qui parlait à travers elle. La grand-mère de Cora n’avait jamais vu l’océan jusqu’à ce jour lumineux, dans le port de Ouidah, où l’eau l’avait éblouie près son séjour dans les cachots du fort.

cequejenaipensé Vous avez peut-être déjà entendu parler de ce roman ou le résumé vous a attiré. Ainsi que les prestigieux prix qu’il a reçu : Prix Pulitzer et National Book award. Et bien je peux vous dire qu’ils sont amplement mérités! J’ai pris une vraie claque à la lecture de ce roman. C’est magnifiquement bien écrit. C’est dur. C’est douloureux. Occasionnellement joyeux. Je l’ai dévoré. Et je n’en ai pas dormi de la nuit en le finissant mardi soir. Il m’a interpellé, fait réfléchir. Bien secouée.
Colson Whitehead nous conte l’histoire de Cora, jeune esclave d’une plantation de coton au coeur de la Georgie. Les premières pages plantent le décor d’un quotidien difficile et dangereux. Les conditions de vie rudimentaire, les violences des Blancs envers leurs « nègres », le fonctionnement d’une plantation, les règles à suivre pour les esclaves. Cora n’a connu que ça car elle est née esclave. Sa mère est une sorte de légende dans la plantation car elle est la seule à avoir pu s’échapper et à n’être jamais revenue. Cora s’est retrouvée livrée à elle-même. elle s’est forgé un caractère de dure à cuire. Ne cédant à rien ni personne. Elle fait son travail, défend son bout de lopin, ne se lie à personne pour ne pas être à nouveau abandonnée. Et puis un jour, Caesar, un autre esclave, lui propose de fuir. Elle refuse. Peur des conséquences quand ils seront rattrapés. Il revient lui demander quelques jours plus tard. La donne à changer. Elle accepte. Les voilà en fuite, dans le réseau clandestin d’aide aux esclaves en fuite, un train souterrain. L’aventure vers la liberté pour Cora et Caesar ne sera pas de tout repos. En s’échappant de la violence de la plantation, ils trouveront sur le chemin bien d’autres événements douloureux. L’ignominie des hommes est riche. Heureusement, ils croiseront quand même quelques personnes qui leur tendront la main.
Le chemin de fer clandestin (Underground Railroad) était un réseau de routes clandestines qui étaient utilisées par les esclaves noirs américains pour se réfugier dans les Etats abolitionnistes du Nord. Colson Whitehead modernise et matérialise ce chemin par un système de chemin de fer souterrain, avec gare et locomotives. Avec beaucoup d’humanité, l’auteur nous fait rentrer dans un pan de l’Histoire, celui de l’esclavage. La traite, le long voyage dans les cales des navires, les acquisitions de ce « bétail », les « maîtres » qui ont tous les droits (viol, torture, les marier, les séparer, vendre leurs enfants…). On est plongé dans l’horreur de cette époque. C’est la gorge serrée qu’on avance dans le récit. On s’attache à Cora, à sa détermination de ne pas faire trop de vague, de se noyer dans la masse pour ne pas se faire remarquer. Mais la colère qui est en elle la ronge et finit par ressurgir.
Ce roman, même s’il dépeint tout cela, se révèle être un témoin de l’histoire : la cruauté des faits, le fonctionnement d’un système en bout de course, l’évolution des mentalités. Les états abolitionnistes se multiplient. Les divergences entre Nord et Sud commencent à faire des étincelles. Le réseau clandestins d’aide aux esclaves se met en place et c’est ce que raconte ce roman avec beaucoup de justesse, d’humanité et de réalisme. Colson Whitehead dresse le portrait d’une nation américaine qu’il considère comme « une illusion », nation créée par le meurtre, la violence et la spoliation de la terre des indiens puis par l’esclavage des noirs : « des corps volés travaillant une terre volée ».
Il dresse le portrait de personnages forts, émouvants et attachants. Mais la force de ce roman est sans nul doute sa puissance narrative : on est captivé par le récit, envoûté du début à la fin. Il nous est difficile d’abandonner Cora et ses acolytes à leur sort. 
Ce roman m’a bousculée, émue. Le récit de l’histoire de Cora m’a touchée en plein coeur. Et même si ce roman parle du passé il fait écho – malheureusement – au présent. Ou les uns jugent les autres. Ou la supériorité/richesse des uns prévaut sur la pauvreté des autres. Une société où une majorité de personnes se croit supérieure aux autres sous prétexte de « civilisation »… Triste époque.
A noter : Les droits audiovisuels de The Underground Railroad ont été acquis par le réalisateur Barry Jenkins (Moonlight, Oscar du meilleur film 2017). J’ai hâte de voir ça!
12992811_10209213650040435_505270499_n Un roman incontournable de la rentrée littéraire! A lire absolument! Puissant, poignant, bouleversant, indispensable.

11 réflexions sur “Underground Railroad de Colson Whitehead

    • Je ne connaissais pas la série. A la vue du résumé de celle-ci (et des dates de diffusion) je pense que ce n’est pas du tout insiré du roman. Par contre, les deux sont inspirés de la même époque historique. Je la note pour la regarder un de ces jours! Merci!

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